Israël persiste et signe. Un mois jour pour jour après l’attaque du Hamas en Israël, Benyamin Nétanyahou dit exclure « tout cessez-le-feu » dans la bande de Gaza, tant que les 240 otages détenus par le Hamas ne seront pas libérés.

Ce qu’il faut savoir

L’armée israélienne serait entrée au cœur de la ville de Gaza.

Le premier ministre israélien refuse tout cessez-le-feu, et envisage d’occuper Gaza une fois la guerre terminée, un scénario auquel s’oppose Washington.

Les évacuations se sont poursuivies mardi au terminal de Rafah, à la frontière égyptienne.

Le premier ministre israélien a fait cette déclaration mardi, alors que les troupes israéliennes entraient dans la ville de Gaza, selon des sources officielles. Une incursion qui pourrait se prolonger advenant une victoire militaire, le chef de l’État hébreu disant envisager une occupation à long terme du territoire palestinien une fois la guerre terminée.

PHOTO FORCES DE DÉFENSE ISRAÉLIENNES, FOURNIE PAR REUTERS

Soldat israélien montant la garde à Gaza, sur une photo publiée mardi par l’armée

En conférence de presse à Tel-Aviv, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a annoncé que l’armée israélienne se trouvait finalement « au cœur de la ville de Gaza » mardi, afin d’y « détruire le Hamas ».

« Nos forces sont prêtes sur tous les fronts », a-t-il déclaré, ajoutant que Gaza était « la plus grande base terroriste jamais construite ».

Cette avancée laisse entrevoir des combats acharnés dans les ruines de la capitale gazaouie, bombardée lourdement depuis des semaines par l’armée israélienne, et où se trouvent vraisemblablement des miliciens de l’organisation militante islamiste, dissimulés dans les kilomètres de tunnels qui courent sous la ville.

PHOTO ARIS MESSINIS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Fumée s’élevant mardi dans le ciel du nord de la bande de Gaza après un bombardement des forces israéliennes

Bien que l’issue des combats soit toujours incertaine, Benyamin Nétanyahou a déclaré lundi soir qu’Israël assumerait indéfiniment la « responsabilité globale de la sécurité » à Gaza après la guerre, officiellement pour éviter un retour du Hamas. Il s’agit là de l’indication la plus claire qu’Israël prévoit garder le contrôle de l’enclave côtière de 2 millions d’habitants, qui a déjà été sous sa botte de 1967 à 2005.

Washington contre l’occupation

Selon Rex Brynen, professeur de science politique à l’Université McGill, ces propos n’ont rien de très surprenant. « On va dans cette direction depuis le 7 octobre dernier », dit-il.

PHOTO STRINGER, REUTERS

Transportant leurs effets personnels, des Palestiniens fuient la ville de Gaza, mardi.

La vraie question, dit-il, est de savoir si l’armée israélienne s’attaquera au sud de Gaza après avoir sécurisé la partie nord, et quel genre d’occupation elle entend mener. M. Brynen redoute pour sa part une opération « très draconienne », où l’armée israélienne « fera ce qu’elle veut pendant une période étendue », que ce soit par la répression sur le terrain ou l’élimination « au bulldozer » de kilomètres de territoire autour des frontières de la bande de Gaza, essentiellement des terres cultivables.

Ce ne sera pas seulement une occupation, mais une occupation encore plus brutale que celle de 1967 à 2005.

Rex Brynen, professeur de science politique à l’Université McGill

Washington a affirmé pour sa part mardi s’opposer à un tel scénario. « Selon nous, les Palestiniens doivent être au centre de ces décisions, Gaza est un territoire palestinien et restera un territoire palestinien », a déclaré à la presse le porte-parole du département d’État américain, Vedant Patel.

PHOTO FATIMA SHBAIR, ASSOCIATED PRESS

Scène de destruction à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, mardi

« De façon générale, nous ne soutenons pas une réoccupation de Gaza et Israël ne le soutient pas non plus », a-t-il ajouté.

Une réaction prévisible, estime encore Rex Brynen, car toute occupation israélienne de Gaza ne ferait qu’alimenter un conflit déjà inextricable et cristalliser un « enjeu palestinien » pour lequel les États-Unis seront blâmés « pour des générations à venir ».

Plus tard, mardi soir, le ministre israélien des Affaires stratégiques, Ron Dermer, a semblé reculer légèrement en entrevue sur la chaîne américaine MSNBC. « Israël ne réoccupera pas la bande de Gaza », a-t-il assuré. Mais « Israël devra avoir une responsabilité générale de sécurité pour une période indéfinie », a aussi insisté M. Dermer, qui siège en tant qu’observateur au cabinet de guerre israélien.

Évacuations à Rafah

Pendant que les combats continuaient dans le Nord, les évacuations se poursuivaient dans le sud de la bande de Gaza.

Des centaines de personnes, détentrices de passeports étrangers, attendaient mardi au poste-frontière de Rafah d’être évacuées vers l’Égypte. Un premier contingent de 75 Canadiens a pu quitter la bande de Gaza (voir autre texte).

PHOTO EYAD BABA, ASSOCIATED PRESS

Des Palestiniens s’éloignent du site d’une frappe aérienne israélienne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

« Le poste-frontière de Rafah a ouvert ce matin et des dispositions sont en cours pour les départs », a confirmé à l’AFP Wael Abou Omer, un porte-parole de l’administration de la partie palestinienne du terminal.

Alors que les passages devaient commencer en début d’après-midi, de premières arrivées du côté égyptien ont été observées par l’Agence France-Presse, notamment une femme palestinienne blessée transférée sur une civière dans une ambulance égyptienne.

Le porte-parole du terminal a évoqué une liste de 500 personnes autorisées à entrer en Égypte mardi.

Devant le terminal, Farid Nawasra, un père de famille gazaoui détenteur d’un passeport russe, raconte qu’il attend depuis des jours d’être inscrit sur cette liste.

« Mes enfants ont vu des choses horribles, nous avons beaucoup souffert […] et on espère aujourd’hui qu’ils nous permettront de passer », a-t-il déclaré.

Médecins sans frontières sonne l’alarme

L’organisation Médecins sans frontières (MSF) a par ailleurs appelé mardi à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, « condition sine qua non » pour organiser la réponse humanitaire et question d’« urgence vitale » pour la population du territoire palestinien sous le feu israélien.

Alors que la guerre provoquée par l’attaque sanglante du Hamas contre Israël entre dans son deuxième mois, MSF a décrit une « situation humanitaire catastrophique » dans le territoire en proie à « une guerre totale », selon la directrice de l’organisation, Claire Magone.

« La population est exsangue et les secouristes pratiquement impuissants, a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse. Face à l’hécatombe, un cessez-le-feu relève de l’urgence vitale. »

Avec l’Agence France-Presse