Le charismatique leader d’extrême droite est pressenti pour devenir le nouveau ministre de la Sécurité nationale du gouvernement Nétanyahou. Une nomination qui n’est pas sans risques, estiment des experts.

L’attentat qui a fait 18 blessés et causé la mort d’un adolescent canado-israélien, mercredi, à Jérusalem, pourrait être un pas de plus vers la nomination de l’ultranationaliste Itamar Ben-Gvir au poste de ministre de la Sécurité nationale en Israël.

Le leader du Likoud, Benyamin Nétanyahou, n’a pas encore formé son gouvernement de coalition, à la suite de sa victoire aux législatives du 2 novembre. Les discussions sont en cours.

De plus grands pouvoirs pour le ministre de la Sécurité nationale

Mais s’il se confirme, le choix de M. Ben-Gvir, tenant de « la loi et l’ordre », pourrait avoir de fâcheuses conséquences.

Pendant la campagne, le chef du parti ultranationaliste Otzma Yehudit a clairement affiché sa volonté de s’attaquer au problème de la criminalité (arabe) et de l’insécurité des Juifs dans le nord et dans le sud du pays.

Mais certains craignent que le leader d’extrême droite, condamné une cinquantaine de fois pour incitation à la haine raciale, ne profite de sa nouvelle fonction pour promouvoir son programme sioniste au détriment des relations avec la population arabe, qui se sont déjà beaucoup détériorées au cours de la dernière année.

En Israël, le ministre de la Sécurité nationale a techniquement peu d’influence sur les activités de la police. Il n’est pas autorisé à s’impliquer dans des opérations ou des enquêtes spécifiques et n’a qu’un contrôle partiel sur les budgets.

Selon un accord obtenu dimanche, en échange de son soutien à la coalition, le gouvernement Nétanyahou pourrait toutefois accorder de plus grands pouvoirs à ce ministère clé, ce qui laisserait à Ben-Gvir plus de latitude sur le plan financier et pour le déploiement des forces de l’ordre dans les zones sensibles du pays.

« Il demande 9000 policiers de plus et des augmentations de salaire pour les policiers. Ces demandes semblent rationnelles compte tenu des circonstances, admet Tamar Hermann, professeure de science politique à l’Open University d’Israël. Le problème avec un programme assez radical comme le sien, c’est qu’on se demande s’il va abuser de ses pouvoirs. »

Un radical à la racine

Appréhensions légitimes, étant donné le passé sulfureux de cet avocat charismatique, reconnaissable entre mille par ses lunettes de myope et son allure débonnaire.

La première fois qu’il apparaît à la télévision, en 1995, il exhibe l’insigne de Cadillac volé sur la voiture du premier ministre Yitzhak Rabin en lançant : « Nous sommes allés jusqu’à sa voiture, nous pouvons aller jusqu’à lui. »

Deux semaines plus tard, M. Rabin est assassiné par un extrémiste religieux.

Itamar Ben-Gvir est par ailleurs réformé de l’armée (en raison de son radicalisme anti-arabe), milite pour le Kach (parti politique ouvertement raciste) et est condamné en 2007 pour incitation à la haine et soutien à une organisation terroriste.

Il devient ensuite avocat, spécialisé dans la défense de colons juifs ultranationalistes. Il ne sort pas sans son revolver et multiplie les visites provocantes au mont du Temple, où se trouve la mosquée al-Aqsa, troisième lieu de culte du monde musulman.

Signe de ses « convictions » : un portrait du terroriste israélo-américain Baruch Goldstein, responsable de la mort de 29 musulmans en 1994 dans une mosquée d’Hébron, a trôné dans son salon pendant plusieurs années…

Quel Ben-Gvir ?

Le politologue Assaf Shapira, membre de l’Israel Democracy Institute, note que Ben-Gvir a montré des signes de « modération » pendant la dernière campagne, en affirmant notamment « qu’il voulait travailler à améliorer la vie de citoyens arabes et ne visait qu’à punir les criminels et les terroristes ».

La question, c’est de savoir quel genre de Ben-Gvir nous allons avoir [au gouvernement]. Celui qui essaie d’être accepté comme une figure centrale et un acteur légitime de la vie politique ou celui qui provoque et suscite des émeutes ?

Assaf Shapira, politologue membre de l’Israel Democracy Institute

Tamar Hermann ne croit pas, pour sa part, à l’hypothèse de l’adoucissement. Elle rappelle qu’il y a deux semaines encore, le politicien d’extrême droite assistait à une cérémonie en l’honneur du rabbin Meir Kahane, fondateur du Kach, qui a plaidé pour la déportation des Arabes d’Israël.

L’experte sait que le politicien d’extrême droite répond aux attentes d’une partie de la société israélienne – Arabes inclus – préoccupée par les problèmes de criminalité « qui explosent » dans le pays.

Mais cela n’exclut pas des dérapages et des scénarios plus pessimistes, selon elle.

« La situation peut se détériorer. Il peut faire un mauvais usage de son pouvoir contre les Arabes, mais pas contre les Juifs, ce qui accentuerait les tensions. Il peut aussi décider d’agir contre les Bédouins du Néguev, qui est devenu une région sans foi ni loi. Si cela se transforme en bain de sang, tous les Arabes d’Israël vont avoir de bonnes raisons de protester. Et si cela se répand, les autres pays arabes voudront aussi répondre. »

« Nétanyahou ne voudra sans doute pas prendre le risque d’entrer en collision avec cette partie du pays, tempère Mme Hermann. Mais il y a le potentiel ici pour quelque chose qu’on n’a jamais vu dans le passé. Une possible bombe à retardement… »

Rectificatif :
Cet article a été modifié après sa publication. Nous avions utilisé le terme de ministre de l’Intérieur. Le titre exact du poste serait plutôt ministre de la Sécurité nationale.