(Washington) La famille de la journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh, tuée en mai dernier, a pressé mardi Antony Blinken de faire rendre des comptes à Israël, mais le chef de la diplomatie américaine est resté sourd aux appels à une enquête indépendante.

Les proches de la journaliste, tuée alors qu’elle couvrait une opération militaire israélienne en Cisjordanie occupée, se sont rendus à Washington à l’invitation de M. Blinken après avoir tenté, sans succès, de rencontrer le président Joe Biden lors de sa récente visite en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés.

« Nous continuons à demander des comptes et à réclamer justice pour Shireen », a déclaré à l’AFP la nièce de la journaliste, Lina Abu Akleh, à sa sortie du département d’État après un entretien de près d’une heure avec M. Blinken.

« Si personne n’est tenu responsable du meurtre de Shireen, c’est une sorte de feu vert donné à d’autres gouvernements pour tuer des citoyens américains », a ajouté la jeune femme de 27 ans, notamment accompagnée du frère de la journaliste, Tony Abu Akleh.  

Lina Abu Akleh a indiqué que le secrétaire d’État américain avait compris les inquiétudes de la famille et promis « d’établir un meilleur canal de communication ».

Mais il « n’a pris aucun engagement » sur les appels de la famille à lancer une enquête américaine indépendante sur les circonstances de la mort de la journaliste, a-t-elle ajouté.

Vedette de la chaîne panarabe Al Jazeera, Shireen Abu Akleh était équipée d’un gilet pare-balles avec la mention « presse » et d’un casque de reportage lorsqu’elle a été tuée d’une balle dans la tête le 11 mai à Jénine. Aucun combattant palestinien n’était à proximité de la reporter, et des soldats israéliens étaient, eux, postés, à environ 200 mètres.

Le 4 juillet, les États-Unis avaient conclu dans un communiqué qu’elle avait « vraisemblablement » été tuée par un tir provenant d’une position israélienne, sans avoir de raison de croire que sa mort ait été intentionnelle. La famille avait critiqué ce communiqué.

Enquête « approfondie »

Après la rencontre avec des proches, Antony Blinken a tweeté que le « journalisme courageux » de Shireen Abu Akleh « lui avait valu le respect des téléspectateurs du monde entier ».

« J’ai présenté mes plus profondes condoléances et mon engagement à faire en sorte que des comptes soient rendus pour son meurtre tragique », a-t-il ajouté.

Interrogé plus tôt mardi sur la possibilité d’une nouvelle enquête américaine, le porte-parole du département d’État, Ned Price, s’était toutefois contenté d’invoquer le communiqué du 4 juillet.

« Nous pensons que la publication de ces conclusions démontre notre engagement envers une enquête crédible, une enquête approfondie et, surtout, une enquête qui établit des responsabilités », avait-il déclaré à la presse.

L’armée israélienne dispose de « procédures pour éviter les victimes civiles » et « pour s’assurer que cela ne se reproduise pas », a-t-il ajouté.

Israël a toujours démenti que la journaliste d’Al Jazeera ait été prise délibérément pour cible. L’armée israélienne avait dans un premier temps évoqué l’hypothèse qu’un homme armé palestinien soit à l’origine du tir, avant de se rétracter.

M. Blinken avait critiqué « l’intrusion de la police israélienne » lors des obsèques de la journaliste. Des policiers israéliens armés de matraques avaient tenté de disperser une foule brandissant des drapeaux palestiniens. À la suite de cette intervention, le cercueil avait failli tomber des mains des porteurs, mais avait été rattrapé in extremis.

Les proches de Shireen Abu Akleh doivent aussi rencontrer des élus du Congrès qui ont appelé à une enquête du FBI.

« Si nous permettons que le meurtre de Shireen soit oublié, nous envoyons le message que les vies des citoyens américains de l’étranger n’ont pas d’importance, que les vies des Palestiniens qui vivent sous occupation israélienne n’ont pas d’importance, et que les journalistes les plus courageux du monde, ceux qui couvrent l’impact humain des conflits armés et de la violence, peuvent être sacrifiés », avait noté Tony Abu Akleh, avant les entretiens avec les dirigeants américains.