(Washington) Épargner les femmes et les enfants : le raid des forces spéciales américaines qui a permis l’élimination du chef du groupe État islamique dans la nuit de mercredi à jeudi en Syrie a été préparé pendant des semaines pour tenter d’éviter le plus possible les victimes civiles.

Mais Abou Ibrahim al-Hachimi al-Qourachi, « émir » de l’EI, « a choisi de se faire exploser », tuant ainsi toute sa famille, a déclaré le président Joe Biden, se félicitant du succès de cette opération qu’il a suivie de bout en bout depuis la « situation room » de la Maison-Blanche.

Localisé « il y a plusieurs mois »

Selon les récits du président américain et de deux responsables de la Maison-Blanche, le chef de l’EI, qui a succédé il y a deux ans à Abou Bakr al-Baghdadi, lui aussi éliminé par les États-Unis, a été localisé « il y a plusieurs mois » près de camps de déplacés de la localité d’Atmé, dans la région d’Idlib, contrôlée en grande partie par les djihadistes et les rebelles.

PHOTO ABDULAZIZ KETAZ, AGENCE FRANCE-PRESSE

La maison dans laquelle est mort Abou Ibrahim al-Hachimi al-Qourachi durant un raid nocturme, dans le nord de la Syrie.

M. Biden ordonne alors aux services de renseignement de confirmer l’identité du chef djihadiste, ce qui est fait début décembre, a raconté un des responsables de la Maison-Blanche sous couvert de l’anonymat. Le président donne l’ordre au Pentagone de préparer une opération pour l’éliminer.

Mardi, le ministre de la Défense Lloyd Austin et le chef d’état-major, le général Mark Milley, informent M. Biden des détails de l’opération à l’aide d’une maquette de la maison où se cache al-Qourachi.  

Une frappe de drone est exclue à cause de la présence de nombreux enfants dans le petit immeuble de trois niveaux où le chef de l’EI vit avec sa famille au deuxième étage, sans jamais sortir de chez lui.  

Au premier étage vit avec sa famille un de ses lieutenants qui fait les courses pour lui et transmet ses messages à l’organisation djihadiste, et au rez-de-chaussée habite une famille qui ignore tout du locataire du deuxième étage.

Corps projetés

C’est donc le raid aéroporté qui est choisi pour minimiser le risque de victimes civiles. L’une des options envisagées est qu’al-Qourachi se fasse exploser, comme l’avait fait al-Baghdadi. Des ingénieurs de l’armée, consultés, examinent le bâtiment et concluent qu’il y a peu de risques qu’il s’effondre sur les habitants des autres étages.

PHOTO GHAITH ALSAYED, ASSOCIATED PRESS

Des responsables et des pompiers inspectant l'étage qui a été soufflé par une explosion, au lendemain du raid américain dans le nord de la Syrie.

Jeudi au petit matin, des hélicoptères déposent les militaires à proximité du bâtiment. Le Pentagone est resté très discret sur le nombre de soldats américains impliqués et leur équipement.

Dès leur arrivée, ils appellent les résidents à quitter l’immeuble. La famille du rez-de-chaussée sort, avec quatre enfants, ils sont placés en sécurité.

Très rapidement, une explosion pulvérise le deuxième étage : Qourachi s’est fait exploser, emportant sa femme et ses deux enfants dans la mort, selon le porte-parole du Pentagone, John Kirby.  

« L’explosion est tellement puissante au deuxième étage que des corps sont projetés à l’extérieur », raconte un responsable de la Maison-Blanche.

Fusillade

Le lieutenant de Qourachi et sa femme commencent alors à tirer sur les soldats américains, qui répliquent et les tuent. Un enfant est également tué dans l’échange de tirs, a indiqué M. Kirby, sans préciser par qui cet enfant a été tué.

Mais quatre autres enfants sortent indemnes du premier étage et sont évacués.

Peu après, des individus armés s’approchent des forces américaines et leur tirent dessus. Deux d’entre eux sont tués et les autres s’enfuient.  

Au début de l’opération, un des hélicoptères est endommagé. Il est décidé de le déplacer à distance des zones résidentielles et de le détruire. Les soldats américains sont évacués sans encombre.

Joe Biden a suivi toute l’opération depuis la « situation room », la salle ultra-sécurisée de la Maison-Blanche, en communication permanente avec les chefs militaires. Au total, le raid a fait 9 morts et dix civils sont sains et saufs, dont huit enfants.

« Cette opération a été spécifiquement conçue et menée pour éviter les victimes civiles au maximum », a conclu M. Austin, se disant « très fier » de l’opération dans un communiqué.