(Jérusalem) Les drapeaux sont en berne dimanche en Israël pour une journée de deuil national à la suite de la mort de 45 personnes, incluant des enfants, dans une cohue géante lors d’un pèlerinage réunissant des dizaines de milliers de juifs orthodoxes.

« Désastre », « tragédie », « échec gouvernemental » : les unes de la presse étaient toutes barrées de noir dimanche pour les premiers journaux publiés en Israël depuis la bousculade survenue tôt vendredi matin au mont Meron, dans le nord du pays, la presse ne publiant pas le samedi, jour de shabbat (repos).

Les premières funérailles avaient eu lieu dès vendredi après-midi dans ce que le premier ministre Benyamin Nétanyahou a qualifié « d’une des plus grandes catastrophes » de l’histoire de l’État hébreu depuis sa création en 1948.  

Après une pause pour le shabbat, les enterrements ont repris samedi soir. Et les autorités ont annoncé dimanche avoir fini l’identification des morts, incluant notamment six Américains, deux Canadiens et au moins deux Franco-Israéliens, ont indiqué à l’AFP des sources policières et diplomatiques.

M. Nétanyahou, qui avait donné du sang plus tôt ce week-end pour les blessés, a visité dimanche un hôpital de Haïfa (nord) et s’est dit « impressionné » par les soins prodigués aux rescapés et a prié pour leur rétablissement.

À qui la faute ?

« Un désastre d’une telle magnitude exige un travail d’analyse complexe […] Nous comprenons les demandes des familles pour des analyses rapides, et nous avons agi en ce sens sans toutefois compromettre le professionnalisme », a déclaré le Dr Chen Kugel, directeur de l’Institut national de médecine légale d’Abou Kabir à Tel-Aviv.

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Des secouristes se consolent sur les lieux de la tragédie.

Le ministre de la Défense Benny Gantz, également ministre de la Justice par intérim, a demandé au procureur général Avichai Mandelblit de se pencher sur la possibilité pour l’actuel gouvernement de transition de lancer une commission d’enquête d’État, la plus haute forme d’enquête.

Seule une telle commission « pourrait prendre en compte tous les éléments de la catastrophe », a-t-il affirmé. M. Nétanyahou avait promis vendredi une enquête.

Les funérailles se multipliaient dimanche, principalement à Bnei Brak près de Tel-Aviv et à Jérusalem.

Samedi soir, des citoyens de Tel-Aviv, sur la côte méditerranéenne, avaient organisé une première cérémonie en allumant des chandelles en hommage aux victimes.  

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« Cela me touche personnellement car je viens d’un foyer ultra-orthodoxe. Jusqu’à il y a huit ans, j’allais moi aussi en pèlerinage à Meron. Mes parents étaient présents à Meron » a confié sur place à l’AFP Rachel, 28 ans.

« Pendant 20 ans, j’ai aussi fait le pèlerinage à Meron. Une fois, j’ai également fait l’expérience d’une bousculade […] C’était le moment le plus effrayant de ma vie », a ajouté Yael, elle aussi présente à la cérémonie.

Des questions ne cessaient de tarauder les Israéliens : que s’est-il vraiment passé au mont Meron ? À qui la faute ? Le drame aurait-il pu être évité ?

Dès 2008, un rapport du contrôleur de l’État avertissait que le site du pèlerinage n’était pas correctement équipé pour accueillir des dizaines et centaines de milliers de personnes

Selon les premières indications, des dizaines de milliers de juifs orthodoxes étaient réunis dans la nuit de jeudi à vendredi au mont Meron, dans le cadre de la fête juive de Lag Baomer.  

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Mais le plus grand rassemblement depuis le début de la pandémie en Israël, pays en majorité vacciné et presque entièrement déconfiné, a tourné au drame.

Une ministre sur la sellette

Vers 0 h 50, en marge d’un « feu de joie », une masse humaine a quitté les lieux mais la sortie exigeait à un moment de passer dans un couloir étroit, ce qui a causé un goulot d’étranglement, ont confié des témoins à l’AFP.

Des fidèles, en majorité de jeunes hommes et des adolescents, ont été écrasés dans la foule en panique. Le chef de la police pour le nord d’Israël, Shimon Lavi, a pris la « responsabilité » de cette tragédie.

Mais cette déclaration n’a pas clos le débat sur les responsables de ce drame d’autant que plusieurs répétaient depuis des années que la sécurité à ce rassemblement était souvent aléatoire.

Le ministre de la Sécurité publique Amir Ohana a dit ce week-end en assumer la « responsabilité » sans accepter le « blâme ».  

Et la ministre des Transports, Miri Regev, une proche du premier ministre, était sur la sellette pour avoir, selon la presse locale, affrété des autocars afin de permettre à des ultra-orthodoxes de se rendre à ce pèlerinage.

Le grand rabbin ashkénaze d’Israël, David Lau, a suggéré dimanche que les célébrations au mont Meron « s’étirent à l’avenir sur une semaine » afin d’éviter de trop grands rassemblements.