(Kaboul) Le président Joe Biden est confronté à de « sérieux dilemmes » en Afghanistan, où la date prévue du retrait complet des troupes américaines approche alors que les talibans ne semblent nullement prêts à renoncer à la violence, a estimé un haut responsable américain.

« L’administration Biden est face à des dilemmes vraiment très sérieux », a déclaré ce haut responsable du département d’État américain à l’AFP cette semaine à Kaboul, sous couvert d’anonymat, estimant que si les États-Unis se retirent et que « le processus de paix échoue, ce sera un retour à des violences généralisées ».

Sitôt l’entrée en fonction de M. Biden, son administration a ordonné un réexamen de l’accord signé avec les talibans en février 2020 à Doha, qui prévoit le retrait total des forces américaines d’Afghanistan d’ici le 1er mai.

Selon ce responsable, si le président américain décide finalement de maintenir des soldats dans le pays au-delà de cette échéance, il doit s’attendre à ce qu’ils soient à nouveau visés par les insurgés.

PHOTO PATRICK SEMANSKY, ASSOCIATED PRESS

Joe Biden en visite au Pentagon, le 10 février

Après la signature de l’accord de Doha, ceux-ci avaient cessé d’attaquer les forces américaines, qui n’ont perdu aucun soldat au combat depuis un an.

Et si les États-Unis se retirent entièrement, ils laisseront le fragile gouvernement afghan à la merci d’un adversaire déterminé, et le risque est grand de voir survenir de nouveaux massacres, qu’il leur sera difficile d’ignorer.

Dans le cas où les forces américaines et de la coalition internationale resteraient en Afghanistan, les menaces sur leur vie figureraient « très, très haut parmi nos priorités », a souligné le responsable.

L’accord de Doha conditionnait le retrait américain à des garanties sécuritaires de la part des talibans et à leur engagement à négocier un accord de paix avec le gouvernement afghan.

Mais ces pourparlers de paix, ouverts en septembre à Doha, avancent au ralenti et en Afghanistan pas une journée ne se passe sans l’explosion d’une bombe, des attaques contre les forces gouvernementales ou une tentative d’assassinat ciblé contre une personnalité de la société civile.

« Le niveau de violence reste très, très élevé […], ce qui est choquant et profondément décevant », a relevé ce responsable. « Cela nuit indéniablement à l’ambiance pour tout accord de règlement du conflit afghan. »

Les talibans nient toute responsabilité dans les attentats ciblés et l’organisation État islamique en a revendiqué la plupart. Washington n’a cependant aucun doute sur qui en assume réellement la responsabilité.

« De notre point de vue, les talibans sont responsables de la grande majorité des assassinats ciblés », a repris cette source, qui estime qu’ils ont créé un « écosystème de violence ».

« Cela a clairement pour objet de démoraliser les citoyens […] d’ajouter aux doutes des gens sur leur gouvernement et à l’idée qu’une victoire [des talibans] est inéluctable », a-t-il jugé.

Le président afghan, Ashraf Ghani, a demandé à M. Biden de ne pas précipiter un retrait complet et espère qu’il accentuera la pression sur les talibans pour qu’ils fassent des concessions dans les discussions de paix au Qatar.

Le gouvernement afghan est « anxieux et prêt à négocier. Il est allé à Doha préparé […] et il n’a personne avec qui discuter, ce qui est décevant », a ajouté ce responsable, estimant que les talibans se font peu d’amis dans l’opinion internationale avec cette approche.