(Nations unies) Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté mercredi à l’unanimité une résolution proposée par les États-Unis qui facilite pendant un an l’aide humanitaire à l’Afghanistan, au bord de l’effondrement économique, en espérant que les talibans n’en tireront pas profit.

La résolution stipule que « le paiement de fonds, d’avoirs financiers » comme « la fourniture de biens et services nécessaires » pour répondre aux « besoins humains fondamentaux en Afghanistan », sont « autorisés » et « ne constituent pas une violation » des sanctions imposées à des personnes et entités liées aux talibans.

L’adoption de ce texte représente un premier pas de l’ONU à l’égard de l’Afghanistan, dirigé depuis août par les talibans dont le régime n’est pas reconnu jusqu’à présent par la communauté internationale.

La résolution de l’ONU est « un bon pas » en avant, a réagi à Kaboul le porte-parole des talibans. « Nous l’apprécions car cela peut aider la situation économique de l’Afghanistan », a dit à l’AFP Zabiullah Mujahid.

Le texte vise à réduire le risque d’un afflux de réfugiés fuyant la pauvreté dans les pays voisins et à répondre au besoin d’une assistance accrue, comme l’ont relevé les États-Unis.

« Cette exception humanitaire vise à faciliter l’aide au peuple afghan, mais ce n’est pas un chèque en blanc pour des organisations qui transgressent leurs obligations internationales », a déclaré l’ambassadeur des États-Unis adjoint à l’ONU, Jeffrey DeLaurentis, en allusion aux talibans.

Contrairement à une précédente version du texte qui prévoyait des exemptions aux sanctions limitées à du cas par cas — recalée sèchement lundi par la Chine —, la résolution adoptée couvre la fourniture d’aide humanitaire au sens large.

« L’aide humanitaire ne doit pas être assortie de conditions et ne doit pas être politisée », a déclaré l’ambassadeur chinois à l’ONU, Zhang Jun, en rejetant toute « condition arbitraire ».

« Il ne s’agit pas de restreindre ou de conditionner l’aide humanitaire » mais « de faire preuve de lucidité à la lumière de décennies de lutte armée et de collusion des talibans avec Al-Qaïda », a rétorqué Sheraz Gasri, de la mission diplomatique française à l’ONU.

« Nous ne pouvons pas les laisser tirer profit de la détresse actuelle de la population afghane », a-t-elle ajouté, en dénonçant le retrait par les États-Unis, « sans aucune concertation, à la dernière minute », d’une mention précisant que l’exemption n’était valable que pour un an.

Jugeant le changement « cosmétique », les États-Unis, menacés d’un veto par la Chine, ont remplacé cette mention par une autre plus floue, prévoyant un réexamen de l’exemption après douze mois. La Chine a affirmé qu’elle ne considérait pas que l’autorisation de l’ONU expirerait dans un an.

« Sauver le peuple afghan »

L’« exemption vise à fournir immédiatement un soutien au peuple afghan qui en a désespérément besoin. Rien de plus », a martelé à l’opposé l’ambassadrice d’Irlande, Geraldine Byrne Nason, en rappelant que les talibans ne suivent toujours pas les demandes internationales de respect des droits humains.

Lors des négociations, la France et l’Inde avaient insisté, en vain, pour que la durée de la résolution ne porte que sur six mois, selon des diplomates.

La résolution « encourage fortement les fournisseurs » d’aide humanitaire à « minimiser tout avantage » direct ou obtenu par voie détournée pour les personnes ou entités visées par des sanctions internationales.

En Afghanistan, les travailleurs humanitaires peuvent être amenés à effectuer des transactions financières avec des ministères dirigés par des personnes sanctionnées et la résolution leur permettra de ne pas se retrouver en position de violation des sanctions.

Le texte inclut aussi un contrôle de la destination des aides humanitaires dans les deux mois qui suivent leur distribution, ainsi qu’un rapport onusien tous les six mois.

Ce contrôle permettra de « s’assurer que l’aide parvient aux bénéficiaires visés, sans être détournée vers les talibans », a déclaré dans un communiqué le secrétaire d’État américain, Antony Blinken.

Selon le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les Affaires humanitaires, Martin Griffiths, la résolution va permettre à quelque 160 organisations humanitaires de remédier aux « niveaux alarmants de besoins et de souffrance dans le pays ».

A Washington, l’administration américaine a accordé dans la foulée de nouvelles exemptions aux sanctions économiques imposées contre les talibans, afin de contribuer à la mise en œuvre de la résolution. Ces exemptions autorisent le paiement de droits, taxes et redevances au gouvernement contrôlé par les talibans, selon un communiqué du Département du Trésor.

Après le retour au pouvoir des talibans mi-août, les États-Unis ont gelé près de 9,5 milliards de dollars de la Banque centrale afghane et la Banque mondiale a aussi suspendu ses aides à Kaboul.

L’ambassadrice russe adjointe à l’ONU, Anna Evstigneeva, a réclamé mercredi à ce sujet « un dégel des actifs et ressources financières » bloqués par l’Occident.