(Vienne) L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a fait état mercredi d’une nette augmentation du stock d’uranium enrichi par l’Iran, à quelques jours d’une visite de son chef à Téhéran et de la reprise des pourparlers pour ressusciter l’accord de 2015.

Au fil des mois, Téhéran s’est affranchi des engagements pris dans le cadre de ce pacte. Selon un rapport de l’instance onusienne consulté par l’AFP, la quantité d’uranium accumulée dépasse désormais de plus de douze fois la limite autorisée : il était ainsi estimé début novembre à 2489,7 kg.

Surtout, l’Iran a dépassé le taux d’enrichissement de 3,67 % fixé par l’accord, montant d’abord à 20 % : il dispose maintenant de 113,8 kg, contre 84,3 kg fin août.

Près du seuil nécessaire pour la bombe

Puis il a franchi le seuil inédit de 60 %, se rapprochant des 90 % nécessaires à la confection d’une bombe : il en a produit 17,7 kg, contre 10 kg il y a trois mois.

Ce document sera examiné lors du Conseil des gouverneurs de l’AIEA prévu la semaine prochaine, juste avant le retour des négociateurs à Vienne, le 29 novembre.

M. Grossi est quant à lui attendu lundi soir à Téhéran à l’invitation de l’Iran. Il rencontrera mardi le chef de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA), Mohammad Eslami, et le chef de la diplomatie iranienne Hossein Amir-Abdollahian, selon le porte-parole de l’OIEA, cité par l’agence de presse iranienne Fars.

Le 12 novembre, M. Grossi avait regretté l’absence de contacts avec le gouvernement en Iran en place depuis août. « C’est stupéfiant », avait-il dit, expliquant qu’il y avait « une longue liste de choses dont on a besoin de discuter ».

Sa dernière visite remonte au 12 septembre et il s’était seulement entretenu avec le chef de l’OIEA.

Tous deux avaient alors négocié un compromis sur l’entretien des équipements de surveillance du programme nucléaire.

Manque d’accès

Mais depuis, l’instance basée à Vienne se plaint de ne pas avoir l’autorisation « indispensable » d’accéder au complexe de Tesa, situé à Karaj, près de Téhéran, qui abrite un atelier de fabrication de composants de centrifugeuses.

Ce manque d’accès « affecte » la mission de surveillance de l’Agence, déplore cette dernière, ajoutant qu’il est « essentiel » de faire la clarté sur le sujet en amont des pourparlers diplomatiques.

M. Grossi a en outre « rejeté catégoriquement » la possibilité d’une utilisation des caméras de l’AIEA par les auteurs d’une attaque sur le site en juin, comme l’a suggéré Téhéran qui blâme son ennemi israélien et a ouvert une enquête.

Plus largement, la restriction des inspections depuis février par le gouvernement iranien « entrave sérieusement » les activités de vérification, a une nouvelle fois souligné l’Agence.

L’Iran s’est certes engagé à fournir à terme les données des différents outils de surveillance mais Rafael Grossi a prévenu que cet arrangement ne pouvait être que temporaire. « Cela pose un défi de taille pour la capacité de l’agence à restaurer la continuité des connaissances », souligne le rapport.

Les discussions se poursuivent pour « résoudre les contentieux entre les deux parties », a réagi dans les médias iraniens le chargé de mission de Téhéran auprès des agences internationales à Vienne, Mohammad Reza Ghaebi, invitant les États membres de l’AIEA à s’abstenir « de commentaires hâtifs ou politiquement motivés ».

« Fouilles intrusives »

Après cinq mois de suspension, les négociations entre Téhéran et les autres pays encore parties à l’accord de 2015 (Allemagne, Chine, France, Royaume-Uni, Russie) doivent reprendre à la fin du mois.

Les États-Unis, qui se sont retirés unilatéralement de l’accord en 2018 et ont rétabli ensuite les sanctions contre l’Iran, participeront de manière indirecte aux discussions.

Les responsables iraniens ne cessent de répéter la position de leur pays sur le retour irrévocable des États-Unis au pacte et la levée des sanctions qui asphyxient l’économie iranienne.

L’accord de 2015 est censé empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire, alors que Téhéran insiste sur le caractère pacifique de son programme.

L’AIEA a par ailleurs évoqué mercredi un autre sujet de tension : « les cas d’inspecteurs soumis à des fouilles excessivement intrusives par des agents de sécurité ». M. Grossi s’est dit « préoccupé » et a appelé l’Iran à « prendre des mesures immédiates pour y remédier ».