(Paris) Le 83e prix Albert Londres, le plus prestigieux du journalisme francophone, a été remis lundi à la journaliste franco-libanaise Caroline Hayek du quotidien francophone L’Orient-Le Jour pour une série de reportages sur le Liban.

Le palmarès 2021 du Prix est marqué par la thématique de l’injustice, « matière première des reportages soumis au jury », que « le journalisme transforme en colère », souligne l’association Albert Londres dans un communiqué.

« Promenade dans un Beyrouth en déliquescence », « Les premiers jours du reste de leur vie » ou « Ils ont fui la guerre en Syrie… ils sont morts dans les explosions de Beyrouth » : cette « série d’articles aux titres évocateurs emmène le lecteur au bout de l’humanité », salue l’organisme.

La récompense reçue par Caroline Hayek, à L’Orient-Le Jour depuis 2014, met également à l’honneur le quotidien libanais francophone lancé en 1924, « ouvert sur les enjeux du monde et soucieux de faire comprendre ce qui se passe au coin de la rue Hamra », ajoute-t-il.

« Les journaux sont en train de mourir au Liban et L’Orient-Le Jour fait tout pour résister. Pour toute la rédaction, (ce prix) est encourageant, cela nous donne de l’espoir », a déclaré à l’AFP Caroline Hayek qui est également chroniqueuse pour la Radio-télévision belge francophone et correspondante pour L’Express en France.

Pour le directeur de L’Orient-Le Jour Michel Helou, « ce prix a une saveur unique ». « Longtemps considérée comme la plus riche et la plus libre du Moyen-Orient, la presse libanaise est aujourd’hui faite de désolation. Avec ce prix, nous montrons qu’il est encore possible de faire du journalisme de qualité au Liban et dans la région », a-t-il dit à l’AFP.

Et « remettre L’Albert-Londres à un journal libanais, c’est consacrer l’universalité de la langue française qui pour nous est aussi une langue libanaise », a-t-il ajouté.

Le 37e prix de l’audiovisuel, qui récompense le meilleur reportage audiovisuel, est revenu aux journalistes indépendants Alex Gohari et Léo Mattei pour leur film « On the line, les expulsés de l’Amérique », produit par Brotherfilms et diffusé sur France 2 et Public Sénat.

Des histoires universelles

Le documentaire raconte l’histoire de Mexicains « qui, après avoir vécu toute leur vie aux États-Unis, sont expulsés au Mexique, un pays qu’ils ne connaissent pas, car ils ne sont Mexicains que par le bout de papier qu’on leur octroie », décrit à l’AFP Alex Gohari.

« Les histoires de migrations et de politiques injustes sont universelles. Nous sommes contents et rassurés que des films qui dénoncent ces politiques migratoires absurdes et violentes soient mis en valeur », a ajouté le journaliste.

La photojournaliste indépendante Émilienne Malfatto, qui a débuté sa carrière au quotidien colombien El Espectador puis à l’Agence France-Presse, a reçu le 5e prix du livre pour « Les serpents viendront pour toi », publié aux éditions Les Arènes Reporters.

Dans cet ouvrage, la journaliste, qui a vécu plusieurs années en Colombie, enquête sur le meurtre d’une mère colombienne de six enfants commis dans l’indifférence générale. Elle y relate le fléau des assassinats de syndicalistes, responsables associatifs ou simples citoyens qui ne cherchaient qu’à faire valoir leurs droits.

« C’est un phénomène symptomatique de la violence qui persiste en Colombie malgré les accords de paix en 2016 entre le gouvernement colombien et les FARC » (Forces armées révolutionnaires de Colombie), explique Émilienne Malfatto, également lauréate 2021 du prix Goncourt du premier roman pour « Que sur toi se lamente le Tigre ».

La cérémonie de remise des prix se tenait à Paris, à la Bibliothèque nationale de France (BnF).

Créé en 1933 en hommage au journaliste français Albert Londres (1884-1932), père du grand reportage moderne, le prix est doté de 3000 euros pour chacun des lauréats, qui doivent avoir moins de 41 ans.