(Nations unies) Les États-Unis et les Européens ne cachent pas leur frustration, mêlée d’agacement, face à l’Iran, qui n’a offert aucune « indication claire » cette semaine à l’ONU sur ses intentions pour la reprise des négociations pour sauver l’accord sur le nucléaire iranien.

« Nous n’avons pas encore un accord de la part de l’Iran pour revenir à Vienne pour continuer les pourparlers, et la question c’est de savoir si l’Iran y est prêt, et quand », a déclaré jeudi le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. « Nous attendons une réponse. »

Ce rendez-vous annuel devait être l’occasion, pour les Occidentaux, de prendre le pouls du nouveau gouvernement iranien, avec le discours vidéo du président ultraconservateur Ebrahim Raïssi et les multiples rencontres en coulisses avec son ministre des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian, qui a fait le déplacement à New York.

Les négociations indirectes entre Washington et Téhéran ont débuté en avril à Vienne par l’intermédiaire des Européens, de la Chine et de la Russie, autres signataires de l’accord de 2015. Objectif : sauver ce texte censé empêcher la République islamique de se doter de la bombe atomique, dont l’ex-président américain Donald Trump a retiré les États-Unis en 2018.

Son successeur Joe Biden s’est dit prêt à y revenir, et à lever au moins une partie des sanctions que le milliardaire républicain avait rétablies contre l’Iran. Mais à condition que le pays ennemi renoue aussi avec les contraintes nucléaires dont il s’est affranchi pour protester contre la pression américaine.

Or ces négociations sont suspendues depuis l’élection présidentielle iranienne de juin.

« Ne pas repartir de zéro »

Tour à tour, les ministres français, allemand et britannique des Affaires étrangères, ainsi que le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, se sont ou vont se succéder auprès de leur homologue iranien avec une seule et unique exigence : la reprise rapide des négociations.

« Après la semaine de l’Assemblée générale de l’ONU, le retour au plein respect » de l’accord nucléaire « demeure la priorité », a tweeté jeudi le négociateur européen Enrique Mora. Selon lui, toutes les grandes puissances qui ont signé le texte de 2015 avec Téhéran, y compris Moscou et Pékin, « sont d’accord sur la nécessité de reprendre les négociations le plus rapidement possible, là où elles étaient parvenues » en juin.

« Les négociations ne doivent pas repartir de zéro », a abondé le Russe Mikhaïl Ulyanov, également sur Twitter.

Las, ce front uni devrait repartir bredouille de New York.

« Rien ne s’est passé, n’a changé ou ne nous a rendus plus optimistes » à l’ONU, a déploré jeudi un haut responsable américain, sous couvert de l’anonymat. Selon lui, il n’y a « aucune indication » claire « que l’Iran est prêt à revenir » et « à tenter de résoudre les questions en suspens ».

Josep Borrell a certes assuré que le ministre iranien s’était dit prêt à relancer le processus Vienne « à une date proche ». Mais c’est tout.

Plan B

« On ne les sent pas dans la volonté d’accélérer les choses », s’inquiète une source diplomatique française.

Un signe alarmant, pour les Européens comme pour les Américains : les Iraniens ont refusé la tenue de la traditionnelle réunion ministérielle des pays encore membres de l’accord, organisée chaque année en marge de l’assemblée onusienne et que le Français Jean-Yves Le Drian avait pourtant jugé quasi-certaine en début de semaine.

« Nous sommes prêts à faire preuve de patience, mais cela fait trois mois » et « depuis lors, l’Iran a continué à faire monter en puissance son programme nucléaire », a relevé le responsable américain.

Antony Blinken a d’ailleurs réitéré son avertissement : il sera bientôt trop tard pour sauver l’accord, même s’il s’agit pour l’instant d’un ultimatum sans date butoir. Et le gouvernement Biden devra alors mettre en œuvre un plan B qu’il se garde bien de dévoiler à ce stade.

Pour Barbara Slavin, spécialiste de l’Iran au cercle de réflexion américain Atlantic Council, les Iraniens « font durer le plaisir », notamment car ils n’ont pas encore choisi leurs négociateurs et ils « tentent de comprendre s’ils peuvent obtenir un peu plus » que le précédent gouvernement.

« Mais je pense toujours qu’ils doivent revenir à la table des négociations », dit-elle à l’AFP, en évoquant la situation économique délétère du pays. « Ils ont vraiment besoin d’une levée des sanctions. »