Les nouveaux maîtres de l’Afghanistan essaient de présenter une image de modérés, mais un mois après la chute de Kaboul, leurs actions démentent leurs discours rassurants.
Un dossier d'Agnès Gruda

« Une période sombre de notre histoire »

PHOTO GLEB GARANICH, REUTERS

La cinéaste Sahraa Karimi a dû fuir l'Afghanistan à la hâte lorsque les talibans ont déferlé sur Kaboul, le 15 août dernier.

Sahraa Karimi faisait la queue devant une banque de Kaboul quand elle a entendu des coups de feu. Puis, le gérant de l’institution est sorti en trombe pour lancer : « Les talibans sont arrivés, vite, rentrez chez vous. »

C’était le matin du 15 août et les talibans venaient d’entrer dans la capitale afghane, sans rencontrer la moindre résistance.

La réalisatrice afghane a pu s’échapper par la porte arrière de la banque et s’est mise à courir au milieu d’une foule qui n’avait pas encore conscience de ce qui venait de se produire. « Les gens se moquaient de moi, ils me demandaient pourquoi je courais comme ça. »

Sahraa Karimi, elle, savait très bien pourquoi elle courait. Documentariste jouissant d’une renommée internationale, la réalisatrice de Femmes afghanes au volant est aussi la première femme à diriger l’Institut du cinéma afghan.

« Je suis connue, je n’ai pas peur de parler contre la corruption ou les talibans, s’ils m’arrêtaient, c’était la prison ou la mort », résume-t-elle en entrevue téléphonique. Avec des conséquences qu’elle appréhendait terribles pour ses proches. Notamment son frère et ses cinq nièces.

Alors la cinéaste a bouclé ses bagages, dans un geste qu’elle qualifie de décision la plus difficile de toute sa vie, et avec l’aide de l’Académie du film de la Slovaquie et du gouvernement ukrainien, elle a réussi à embarquer avec ses proches et deux assistantes sur le dernier vol civil des lignes aériennes turques à l’aéroport de Kaboul.

Elle a laissé derrière elle un pays qui sombrait dans la noirceur.

Les talibans sont anti-arts, anti-cinéma, anti-musique, anti-tout. Nous venons d’entrer dans une des périodes les plus sombres de notre histoire.

Sahraa Karimi, cinéaste

Sahraa Karimi a abouti en Ukraine, avec sa famille. Nous l’avons jointe à Venise, où elle avait été invitée à participer à un panel en marge de la Mostra.

En arrière-plan de notre entretien, on percevait le bruit des conversations et un cliquetis de verres et de vaisselle – trame sonore de la vie urbaine nocturne qui est aujourd’hui interdite aux Afghans.

PHOTO FILIPPO MONTEFORTE, AGENCE FRANCE-PRESSE

Sahraa Karimi à la Mostra de Venise, le 4 septembre dernier

La réalisatrice s’inquiète particulièrement pour les archives du cinéma afghan, qui avaient été sauvées de justesse pendant le premier règne des talibans, comme en témoigne le film Une histoire interdite du documentariste canadien Ariel Nasr, actuellement à l’affiche à Montréal.

Des rouleaux de pellicule témoignant de différentes périodes de l’histoire de l’Afghanistan avaient à l’époque été préservés derrière un faux mur, pour échapper à la destruction. Dans Une histoire interdite, on voit une autre cinéaste afghane, Maryam Ghani, se battre pour numériser ce patrimoine culturel.

Devant l’avancée des talibans partout en Afghanistan, les rouleaux de film ont été placés au palais présidentiel de Kaboul, lieu qui paraissait alors le plus sécuritaire, comme a noté Ariel Nasr lors d’une projection du film à Montréal.

C’était sans compter la progression fulgurante des talibans, qui ont pris le contrôle de Kaboul et se sont installés dans le palais présidentiel.

« Maintenant, les archives sont en danger, le risque qu’elles soient détruites est énorme », appréhende Sahraa Karimi.

La réalisatrice de 38 ans n’est pas optimiste pour l’industrie du cinéma afghan en particulier, mais aussi pour tous les autres secteurs de création culturelle.

Et l’histoire récente semble lui donner raison.

Artistes assassinés

L’humoriste Nazar Mohammad, qui se moquait fréquemment des talibans dans ses capsules diffusées sur TikTok sous le pseudonyme Kasha Zwan, a été enlevé chez lui à Kandahar, le 22 juillet dernier.

Cette ville, berceau historique du mouvement taliban, était sur le point de tomber sous leur contrôle.

IMAGE TIRÉE DE YOUTUBE

Nazar Mohammad, lors de son enlèvement filmé par les talibans

Une vidéo montre l’homme de 60 ans se faire gifler par ses ravisseurs lourdement armés. Son corps criblé de balles, pieds et mains attachés à un arbre, a été retrouvé deux heures plus tard.

Le poète et historien Abdullah Atefi a connu un sort semblable le 4 août, dans la région d’Orozgan, dans le centre du pays.

PHOTO TIRÉE DE TWITTER

Abdullah Atefi, poète et historien exécuté

Et puis, il y a l’histoire tragique du chanteur folklorique Fawad Andarabi, abattu d’une balle dans la tête le 27 août, 12 jours après la chute de Kaboul, à Andarab, dans le nord du pays. Deux semaines plus tôt, il avait reçu des talibans chez lui et leur avait offert du thé…

IMAGE TIRÉE DE YOUTUBE

Fawad Andarabi, chanteur folklorique abattu le 27 août

Les musiciens sont les premières cibles des talibans, dit Majeed Qarar, ancien attaché culturel de l’Afghanistan à Washington, établi en Colombie-Britannique.

J’ai vécu sous leur ancien régime, je les connais, les talibans ne forment pas un mouvement uniforme, mais aucun courant n’autorisera la musique.

Majeed Qarar, ancien attaché culturel de l’Afghanistan à Washington

Les talibans pourraient récupérer à leur profit d’autres formes d’expression artistique, par exemple utiliser le cinéma ou la télévision à des fins de propagande, suppose-t-il. Dans les années 1990, les talibans avaient interdit la télévision. Ils pourraient l’autoriser aujourd’hui si elle sert leurs fins.

Mais les musiciens, eux, n’ont aucune chance. L’Institut de musique de l’Afghanistan a fermé ses portes le 21 août. Selon son directeur Ahman Sarmast, des hommes armés avaient investi les lieux pour voler des autos et détruire des instruments de musique au passage.

Des instruments de musique ont aussi été endommagés à l’École de musique de Kaboul.

Majeed Qarar s’attend à ce que les talibans restent relativement permissifs dans les villes, tant que la presse internationale continuera à les couvrir. Pour les zones rurales, c’est autre chose.

Journalistes en fuite

Les journalistes afghans, susceptibles de documenter la réalité du nouveau régime, s’exposent eux aussi à la vindicte des talibans et fuient massivement le pays. Et pour cause.

« Tous les jours, on entend des histoires de journalistes battus, en deux semaines, 27 médias d’information ont dû fermer leurs portes », dénonce Majeed Qarar.

  • Battus par des talibans alors qu'ils couvraient une manifestation à Kaboul, Neamat Naqdi et Taqi Daryabi, montrent leurs blessures, le 8 septembre dernier.

    PHOTO WAKIL KOHSAR, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

    Battus par des talibans alors qu'ils couvraient une manifestation à Kaboul, Neamat Naqdi et Taqi Daryabi, montrent leurs blessures, le 8 septembre dernier.

  • Roués de coups jusqu'à l'inconscience, les deux journalistes ont eu la peur de leur vie.

    PHOTO WAKIL KOHSAR, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

    Roués de coups jusqu'à l'inconscience, les deux journalistes ont eu la peur de leur vie.

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Sur 700 femmes journalistes, à peine une centaine continuent à travailler en Afghanistan, dit Maria Salajar Ferro, du Comité pour la protection des journalistes.

L’ONG reçoit des centaines de demandes d’aide par semaine. Des journalistes sont terrifiés, ils reçoivent des menaces téléphoniques, des messages disant que leur temps est fini, ils n’osent plus rentrer chez eux.

Parfois, leur maison ou celle de leurs voisins a fait l’objet d’une fouille, relate Maria Salazar Ferro, dont l’organisation a déjà réussi à faire évacuer des dizaines de journalistes.

La peur s’est aussi emparée des amis et proches du cinéaste Ariel Nasr.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L'UNIVERSITÉ KING'S COLLEGE

Les gens sont terrifiés, les talibans ont fouillé la maison d’un de mes amis, qui est enseignant. Un de mes cousins est musicien, il joue dans les mariages, il essaie de sortir du pays.

Ariel Nasr, cinéaste

« Je me cache », dit un cameraman de Kaboul qui nous demande de l’identifier comme Samir. Doublement exposé, par son métier et par son appartenance à la minorité chiite des Hazaras, ciblée par les talibans, Samir a peur de sortir dans la rue, de crainte d’être identifié ou de se faire confisquer son téléphone, où l’on trouve de nombreux contacts étrangers. « Quand je sors, je laisse mon téléphone intelligent à la maison. »

Dans l’immédiat, il se demande comment il va faire pour nourrir sa famille, puisqu’il a perdu tous ses contrats depuis le 15 août.

La télévision locale pour laquelle il travaillait ne diffuse plus que des émissions acceptables aux yeux des nouveaux maîtres du pays, comme des séries islamiques turques, confie-t-il.

Entre la peur et l’exode

La vitalité culturelle de l’Afghanistan est donc menacée à la fois par la chape de plomb qui s’abat progressivement sur le pays et par l’exode des créateurs.

PHOTO WAKIL KOHSAR, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des talibans prennent la pose devant une boulangerie, le 15 septembre dernier

La documentariste Sahraa Karimi a déjà commencé à écrire le scénario de son prochain film, qui racontera, confie-t-elle, l’histoire des 40 heures d’attente à l’aéroport de Kaboul avant qu’elle ait pu quitter son pays retombé entre les mains des talibans.

En attendant de recommencer à tourner, elle supplie la communauté internationale de ne pas reconnaître le gouvernement des talibans. « Une telle reconnaissance, avertit-elle, détruirait la génération des jeunes Afghans pour toujours. »

Les droits des femmes en chute libre

PHOTO AAMIR QURESHI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Étudiantes dans une classe de l'Université de Kaboul, le 11 septembre dernier

Shabnam Salihi n’oubliera jamais ce matin du 15 août dernier, où des collègues ont fait irruption dans son bureau pour lui dire que les talibans venaient de prendre le contrôle de Kaboul.

Il était environ 10 h 30. À titre de membre de la Commission afghane des droits, la jeune femme de 30 ans était en train de planifier une tournée de consultations sur l’impact du conflit civil afghan sur les femmes. Les premières audiences devaient avoir lieu quelques jours plus tard, à Bamyan, à 180 km de Kaboul.

PHOTO TIRÉE DE TWITTER

Shabnam Salihi, membre de la Commission afghane des droits, a fui son pays vers l'Albanie, où elle attend de pouvoir aller au Canada.

La juriste ne pourra jamais prendre le pouls des Afghanes de Bamyan ou d’ailleurs. Comme militante pour les droits des femmes, elle se savait ciblée par les nouveaux maîtres de Kaboul. Elle a couru chez elle, s’est jetée dans les bras de sa mère en sanglotant, a vécu quelques jours sans dormir, à changer de maison chaque nuit.

Après avoir frappé à la porte de plusieurs ambassades, elle a reçu un visa canadien, une semaine après la chute de Kaboul. Elle se souvient des jours qui ont suivi comme d’un cauchemar : à trois reprises, avec ses proches, elle a tenté de rejoindre l’aéroport. Une des portes était gardée par les talibans, qui frappaient les gens. Son frère et son beau-frère, qui tentaient de frayer le chemin à la famille, ont été roués de coups.

Finalement, la famille a pu monter à bord d’un convoi organisé par l’ONG Open Society qui a réussi à rejoindre l’aéroport.

« Nous avons attendu pendant 25 heures dans notre autobus, sans eau, sans nourriture, les talibans nous ont demandé 5000 $ US par personne pour nous laisser passer, nous n’avions pas cet argent. »

Quand les autobus ont finalement pu entrer sur le terrain de l’aéroport, Shabnam Salihi a entendu une déflagration. C’était l’attentat qui a coûté la vie à 170 civils massés devant l’aéroport.

Dans l’avion à destination de Tirana, en Albanie, tout le monde pleurait.

PHOTO TIRÉE DE TWITTER

Nous avions le sentiment d’avoir tout perdu, nos études, nos carrières, notre drapeau, c’était comme un mauvais rêve, j’espérais que quelqu’un viendrait me réveiller.

Shabnam Salihi, membre de la Commission afghane des droits

Droits en déclin

Mais le cauchemar se poursuit depuis maintenant un mois. À Tirana, où elle attend de pouvoir aller au Canada, Shabnam Salihi, dont la mère et la sœur sont établies à Regina, observe de loin le déclin des droits au pays des talibans.

Car malgré leurs discours lénifiants, Shabnam Salihi ne se fait pas d’illusions. À titre de membre de la Commission des droits, elle a vu le filet de protection des femmes se détricoter dans les régions prises progressivement par les talibans.

Un exemple : le retour des lapidations, cette punition en vogue dans les années 1990. En 2019, par exemple, elle a pu recenser 18 lapidations extrajudiciaires. Une dizaine l’année suivante. Ce n’est pas une pratique à grande échelle. Du moins, pas encore. Mais le phénomène existe.

Déjà, les talibans ont imposé de nouvelles lois aux femmes, séparant hommes et femmes dans les universités, limitant l’école à la sixième année pour les filles dans certaines régions rurales.

PHOTO BULENT KILIC, AGENCE FRANCE-PRESSE

Jeunes filles dans une classe d’une école primaire de Kaboul le 15 septembre dernier

Dimanche, le ministre de l’Éducation, Abdul Baqi Haqqani, a annoncé que les femmes pourraient continuer à fréquenter l’université, mais devraient y être séparées des hommes, porter le voile intégral et recevoir l’enseignement donné par des femmes « quand ce sera possible ».

The Guardian a rapporté lundi que dans plusieurs universités, qui ont déjà entrepris de diviser les classes par des rideaux opaques, il n’y a pas suffisamment de femmes enseignantes pour respecter cette exigence sans fermer des classes.

Et puis, vendredi, coup de théâtre : après un mois de pause scolaire due à l’insécurité générale, le nouveau gouvernement afghan a ordonné aux écoles secondaires de rouvrir leurs portes – mais seulement pour les garçons. L’annonce ne précisait pas si les filles avaient le droit ou non de retourner en classe, elle ne les mentionnait tout simplement pas.

PHOTO AAMIR QURESHI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Classe universitaire à Kaboul où un rideau sépare les étudiants masculins et féminins, le 7 septembre dernier

Et il n’y a pas que l’accès à l’éducation.

« Les femmes vivant dans les régions contrôlées par les talibans étaient déjà privées de leurs droits fondamentaux, que ce soit en matière de travail, d’éducation, de participation politique et de participation aux prises de décisions », énumère Shabnam Salihi.

Des refuges permettant aux femmes de fuir la violence ont été fermés dans les régions contrôlées par les talibans. Ces derniers ont aussi multiplié les fermetures d’écoles pour filles. Dans certains de leurs districts, ce sont toutes les écoles qui ont dû mettre la clé sous la porte, malgré les assurances données par le porte-parole du gouvernement taliban, Zabihullah Mujahid.

Shabnam Salihi a une autre raison de ne pas croire à la prétendue modération des talibans de 2021.

En décembre dernier, la juriste a eu l’occasion de rencontrer les membres d’une délégation de talibans à Doha, en marge des négociations lancées par l’administration Trump avec les talibans.

PHOTO BERNAT ARMANGUE, ASSOCIATED PRESS

Des talibans escortent des femmes qui manifestent leur appui au nouveau régime islamiste à Kaboul, le 11 septembre dernier.

« J’ai eu une conversation très dure avec eux », dit la juriste, qui est connue pour ses prises de position sur les réseaux sociaux, où elle n’hésite pas à dénoncer les tests de virginité et d’autres formes de violence à l’égard des femmes.

« À quelle forme d’islam adhérez-vous, l’islam d’Arabie saoudite ou celui de Qatar ? », a-t-elle tenté de leur faire préciser.

« Il n’y a qu’un islam », ont tranché les représentants talibans.

Une réponse qui a laissé Shabnam Salihi sans illusions sur les soi-disant « nouveaux » talibans.

Ils n’avaient pas changé depuis 20 ans. Et elle appréhende le pire pour les femmes afghanes sous leur règne.

« Il n’y a pas de talibans 2.0 »

PHOTO AAMIR QURESHI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un jeune vendeur de rue tient un drapeau des talibans à côté d'une affiche montrant Abdul Ghani Baradar, nouveau vice-premier ministre de l'Afghanistan.

Wasim Nasr, spécialiste du mouvement djihadiste et journaliste à France24, est formel : « Il n’y a pas de talibans 2.0. » Peu importe ce que ces derniers affirment…. Mais qui sont les membres influents du gouvernement intérimaire en Afghanistan ? Quels sont les liens entre les talibans et Al-Qaïda ? Voici des réponses.

Le 8 septembre, les talibans ont annoncé la formation de leur « gouvernement intérimaire ». Qui sont les figures de proue de ce gouvernement ?

PHOTO TIRÉE DU SITE DE FRANCE24

Wasim Nasr, spécialiste du mouvement djihadiste et journaliste à France24

Il s’agit, pour l’essentiel, de leaders traditionnels du mouvement. Le premier ministre Mohammad Hassan Akhund est un ancien allié du mollah Omar, cofondateur du mouvement taliban, mort en 2013.

Il sera assisté par Abdul Ghani Baradar, qui a négocié le retrait des troupes américaines et qu’on dit plus ouvert. Seulement, il se retrouve dans une position secondaire.

  • Le premier ministre afghan Mohammad Hassan Akhund, à droite, lors d'une rencontre à Kaboul, le 12 septembre dernier, avec le ministre qatari des Affaires étrangères

    PHOTO FOURNIE PAR LE QATAR / AGENCE FRANCE-PRESSE

    Le premier ministre afghan Mohammad Hassan Akhund, à droite, lors d'une rencontre à Kaboul, le 12 septembre dernier, avec le ministre qatari des Affaires étrangères

  • Abdul Ghani Baradar (au centre) lors d'une conférence à Moscou en mars dernier

    PHOTO ARCHIVES REUTERS

    Abdul Ghani Baradar (au centre) lors d'une conférence à Moscou en mars dernier

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La nomination de Sirajuddin Haqqani au poste de ministre de l’Intérieur montre la place accordée dans le nouveau gouvernement au « réseau Haqqani », une toile de relations entre talibans et Al-Qaïda passant par le Waziristan pakistanais, souligne Wasim Nasr.

Le réseau Haqqani a été notamment accusé d’avoir fomenté un attentat contre l’ambassade des États-Unis le 12 septembre 2011. Or, un autre membre de ce réseau, Abdul Baqi Haqqani, a hérité du portefeuille de l’Éducation.

PHOTO AAMIR QURESHI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Abdul Baqi Haqqani, ministre de l'Éducation

Tandis que celui qui devient responsable du Renseignement afghan figure sur la liste des terroristes recherchés par les États-Unis.

Autre figure importante, le mollah Yacoub est le fils aîné du cofondateur des talibans, le mollah Omar. Il dirigeait les opérations militaires qui ont permis aux talibans de reconquérir l’Afghanistan.

Selon Wasim Nasr, contrairement aux prétentions des talibans, ce gouvernement n’est ni ouvert ni particulièrement inclusif. On y trouve surtout la vieille garde pachtoune du mouvement historique des talibans.

Il n’y a, évidemment, pas une seule femme au sein du nouveau cabinet.

Globalement, selon Wasim Nasr, « il n’y a pas de talibans 2.0, il y a des talibans, point ».

Quels sont les liens entre les talibans et Al-Qaïda ?

Le groupe Al-Qaïda est imbriqué dans le tissu social des talibans, notamment par des liens de mariage. Ils ont combattu côte à côte contre le gouvernement, signale Wasim Nasr. Par contre, Al-Qaïda n’a pas les moyens d’organiser de gros attentats internationaux, et les talibans n’ont pas intérêt à ce qu’ils en organisent non plus, eux qui auront à gérer une situation économique difficile et auront besoin d’aide internationale.

PHOTO VICTOR J. BLUE, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Un homme blessé dans l'attentat meurtrier de l'aéroport de Kaboul, le 26 août dernier, est transporté vers un hôpital de la capitale.

Par ailleurs, comme le signale Wasim Nasr, le groupe État islamique, qui a revendiqué l’attentat à l’aéroport de Kaboul, est une « nuisance réelle » pour les talibans, qui figurent parmi les victimes de cette attaque.

Quels sont les principaux défis des talibans ?

Les talibans ne forment pas un mouvement uniforme, et leur aile dure reproche à leur leadership d’avoir collaboré avec les États-Unis dans les évacuations d’étrangers et d’Afghans en fuite, signale Wasim Nasr. Le plus gros défi du nouveau gouvernement, selon lui, sera d’« empêcher les défections vers le groupe État islamique » et de préserver leur unité.

Ils devront ensuite faire face à une situation économique précaire : le quart du budget du pays venait de l’aide étrangère. On ignore si, et comment, cette aide va se poursuivre.

Correctif :
La famille de la militante afghane Shabnam Salihi est établie à Regina, et non à Tirana. Nos excuses pour cette erreur.