(Jérusalem) Comment six prisonniers palestiniens ont-ils pu s’échapper d’une prison israélienne de haute sécurité ? Et où ont-ils bien pu aller ? Israël tentait mardi de répondre à ces questions pendant que la police poursuivait une immense chasse à l’homme.

La scène semble tirée d’un film hollywoodien et pourrait aussi servir de trame à une série policière israélienne comme « Fauda » : tôt lundi, des Palestiniens de la prison de Gilboa s’évadent via un tunnel creusé au pied de l’évier d’une cellule.

À l’extérieur du pénitencier, gardes et policiers découvrent un trou dans la terre par lequel les fuyards ont quitté les lieux, devenant des « héros » pour de nombreux Palestiniens, mais aussi les hommes les plus recherchés du pays pour Israël.

Des drones d’observation sont déployés, des barrages mis en place, tandis que l’armée s’invite autour de Jénine, secteur de la Cisjordanie occupée d’où sont originaires les six hommes, tous écroués, dont certains à perpétuité, pour leur rôle dans des attaques anti-israéliennes.

Mardi, alors que le pays célébrait Rosh Hachana, le Nouvel An juif, les recherches se poursuivaient pour tenter de les localiser plus de 24 heures après leur « grande évasion », titrait une partie de la presse palestinienne.

« À l’heure actuelle, il n’y a pas de progrès », a déclaré à l’AFP une porte-parole de la police israélienne pour le nord du pays, où est située la prison de Gilboa, inaugurée en 2004 pendant la seconde Intifada quand les attaques palestiniennes contre Israël se multipliaient.

« Mais toutes les branches des forces de sécurité sont mobilisées pour retrouver les prisonniers », ajoute cette source.

Fuite à l’étranger ?

La justice israélienne a émis une ordonnance de non-publication des détails de l’enquête à l’heure où la presse locale tente de lever le voile sur cette affaire embarrassante et sensible, les autorités craignant entre autres que les Palestiniens en cavale mènent des attaques.

Mais les fugitifs sont-ils encore en Israël ? Sont-ils retournés dans leur Cisjordanie natale, territoire occupé situé à une dizaine de kilomètres de la prison ?

Lundi à Jénine, des Palestiniens ont célébré l’évasion tout en craignant une opération musclée de l’armée israélienne.

Abo Al-Athir Kamanji, le père d’Ayham Kamamji, l’un des six évadés, a indiqué avoir été convoqué lundi par un responsable de la sécurité israélienne. « On m’a demandé ce que mon fils et moi nous étions dits lors de ma dernière visite » en prison, a-t-il raconté à l’AFP, affirmant avoir appris via la télévision et les réseaux sociaux l’évasion de son fils.

« Nous sommes très heureux (de l’évasion), mais à la fois nous avons peur et craignons pour la vie de Zakaria et des jeunes hommes avec lui », a dit à l’AFP Kamal Al-Zubeidi, le père de Zakaria al-Zubeidi, un évadé ex-leader de la branche armée du mouvement Fatah dans le camp de Jénine.

« Pour l’instant, les nouvelles sont bonnes et j’espère qu’ils vont rester tous sains et saufs. »

S’ils ne sont pas en Israël ou en Cisjordanie, les fugitifs ont-ils filé vers la bande de Gaza pour traverser la barrière hypersécurisée séparant Israël de ce territoire palestinien sous contrôle des islamistes du Hamas, et qui sert de sanctuaire aussi au Djihad islamique, groupe armé auquel appartiennent cinq des six évadés ?

À moins qu’ils n’aient tenté de traverser une frontière vers un autre pays ?

Il est « très probable » que les évadés aient traversé du côté de la Jordanie, pays à une vingtaine de kilomètres à l’est de la prison, a indiqué mardi une source policière citée par Haaretz.

Selon ce quotidien de gauche, une voiture aurait d’ailleurs embarqué lundi certains fugitifs, voire tous, à trois kilomètres de leur prison.

Mais comment ont-ils pu s’évader en se soustrayant complètement à la surveillance des gardiens ? Selon la radio publique Kan, les fugitifs apparaissent bien à la sortie extérieure du tunnel sur des images vidéo, mais aucun garde ne scrute à ce moment-là les écrans de surveillance.

Et, toujours selon Kan, une garde chargée de ce secteur de la prison s’est peut-être endormie durant sa permanence.

Un correspondant du journal Maariv soulignait que, selon les premières indications de l’enquête, les prisonniers auraient mis cinq mois à creuser leur tunnel.

Un scénario qui rappelle le film américain Shawshank Redemption (Les évadés en français) dans lequel un personnage creuse, des années durant et dans la plus grande discrétion, un tunnel pour s’évader d’une prison, traverser la frontière et échapper à la police.