(Téhéran) Les Iraniens doivent élire vendredi un nouveau président lors d’un scrutin semblant joué d’avance et qui devrait consacrer la mainmise des conservateurs sur le pouvoir à la faveur d’une abstention peut-être record.

Dans un contexte de grave crise économique et sociale exacerbée par la pandémie de COVID-19, sept candidats ont été autorisés à se présenter à la 13e présidentielle depuis la révolution de 1979 : cinq ultraconservateurs et deux réformateurs.

Mais ils ne sont plus que quatre en lice après les désistements annoncés mercredi de trois d’entre eux, deux ultras et un réformiste, parmi ceux auxquels les rares sondages disponibles donnaient le moins de voix.  

Le président a des prérogatives limitées en Iran, où l’essentiel du pouvoir est aux mains du guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei.

Les deux mandats du président sortant, Hassan Rohani, qui ne peut se représenter cette année, resteront marqués par l’échec de sa politique d’ouverture après la dénonciation par les États-Unis en 2018 de l’accord sur le nucléaire iranien conclu trois ans plus tôt à Vienne.

À l’avant-veille du scrutin, le chef de l’Autorité judiciaire, Ebrahim Raïssi, 60 ans, fait figure de grand favori, fort des 38 % qu’il avait obtenus à l’élection présidentielle en 2017 et faute d’adversaire de taille.

L’élection devrait être marquée par une très forte abstention. Un taux record avait été enregistré lors des législatives de 2020 (57 %), remportées par une grande coalition conservatrice après la disqualification de milliers de candidats réformateurs ou modérés.

La campagne électorale, qui s’achèvera officiellement jeudi à 7 h du matin après trois semaines, s’est jouée en sourdine.

« Président puissant »

La crise sanitaire, qui limite les rassemblements publics, joue évidemment un rôle mais, de manière générale, la présidentielle suscite très peu d’engouement.

Les trois débats télévisés entre les candidats ont été jugés globalement ennuyeux par la presse.

Un mécontentement général mêlé de désenchantement est palpable dans le pays face à la grave crise économique et sociale provoquée par le rétablissement des sanctions américaines ayant suivi la sortie des États-Unis de l’accord de Vienne.

À l’hiver 2017-2018 et en novembre 2019, deux vagues de contestation ont été violemment réprimées.

Le ministre de l’Intérieur, Abdolréza Rahmani Fazli, a reconnu mercredi devant la presse que la participation « pourrait être inférieure à celle des élections précédentes », pour deux raisons : « une faible concurrence » du fait de l’absence de candidats modérés ou réformateurs d’envergure, « et la situation liée au coronavirus ».

Dans un discours télévisé mercredi en début de soirée, Ali Khamenei a repris une vieille antienne selon laquelle les « ennemis » de l’Iran, en particulier « des médias américains et britanniques » font « tout ce qu’ils peuvent pour remettre en cause (et) saper les élections de la République islamique ».

Face à des appels au boycottage du scrutin relayés sur les réseaux sociaux, l’ayatollah Khamenei a appelé une nouvelle fois ses compatriotes à y faire échec en se rendant aux urnes en nombre pour élire un « président puissant ».

Tous les candidats disent être favorables à la poursuite des négociations en cours pour remettre sur les rails l’accord sur le nucléaire et obtenir une levée des sanctions américaines.  

L’économie, et rien d’autre

Pendant la campagne, Ali Khamenei a ordonné aux candidats de ne parler que d’économie à l’exclusion d’autres sujets.

Après l’invalidation de plusieurs candidats qui auraient pu concurrencer sérieusement M. Raïssi, ceux qui restent dans la course ne semblent pas en mesure de l’inquiéter.

Du côté des ultraconservateurs, le général Mohsen Rézaï, ancien commandant en chef des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de la République islamique, a déjà échoué à deux présidentielles (en 2009 et 2013, après s’être désisté en 2005 à quelques jours du scrutin). Il avait obtenu 10,6 % des voix en 2013.

L’autre ultraconservateur, le député Amirhossein Ghazizadeh-Hachémi, est peu connu du grand public, tout comme le réformateur Abdolnasser Hemmati, ex-président de la banque centrale.

En plus du président de la République, les Iraniens sont appelés à renouveler les conseils municipaux vendredi.

Un second tour est prévu le 25 juin entre les deux candidats à la présidence ayant obtenu le plus de voix si aucun n’a obtenu la majorité absolue.