Au moins quatre explosions ont été recensées en Iran au cours des deux dernières semaines, dans des sites jugés sensibles. Les autorités iraniennes ont évoqué des « accidents ». Malchances en série ou actes de sabotage ? Impossible de le savoir avec certitude. Mais plusieurs experts se questionnent sur les probabilités d’une telle succession de coïncidences.

Explosions

Dans la nuit du 25 au 26 juin, une explosion est survenue près du site militaire de Parchin. Selon le New York Times, les images satellites montrent qu’il s’agirait d’une usine de production de missiles. Les autorités iraniennes ont conclu à une fuite de gaz. Le 30 juin, 18 personnes sont mortes dans une explosion dans une clinique de Téhéran ; des bonbonnes de gaz auraient pris feu dans le sous-sol de l’établissement, ont dit des responsables iraniens. Le 2 juillet, une déflagration, suivie d’un incendie, a touché le complexe nucléaire de Natanz. Mardi dernier, deux personnes sont mortes dans une nouvelle explosion dans une usine, à une vingtaine de kilomètres de la capitale.

Opération clandestine ?

La communauté internationale n’a jamais caché ses inquiétudes face à l’Iran, notamment sur ses activités nucléaires. Ce ne serait pas la première fois qu’une opération clandestine étrangère serait menée en territoire iranien. « C’est possible que ce soit des accidents, même si je n’en suis personnellement pas convaincu, commente James Devine, de l’Université Mount Allison, au Nouveau-Brunswick. Dans le contexte iranien, on ne peut pas l’exclure. Ce n’est pas inhabituel que les choses brisent ou ne se passent pas comme prévu en Iran. Mais cela étant dit, c’est probablement les Américains ou les Israéliens [qui en sont les auteurs]. »

Nucléaire

Pourquoi ces attaques — s’il s’agit bien d’attaques ? « Entre l’Iran d’un côté et les États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite de l’autre, il y a une guerre en cours depuis des années, largement clandestine », rappelle Thomas Juneau, de l’Université d’Ottawa. Depuis que les États-Unis ont tourné le dos à l’accord international sur le nucléaire iranien, les tensions sont vives entre les deux pays, comme en témoignent également les événements du début de l’année 2020, avec les missiles en Irak et l’assassinat du général Qassem Soleimani.

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Le 2 juillet, une déflagration, suivie d’un incendie, a touché le complexe nucléaire de Natanz.

L’Iran a admis que l’explosion au site de Natanz avait fait reculer son programme nucléaire, possiblement de plusieurs mois. Fortement touché par la COVID-19, déstabilisé par des divisions politiques internes et affligé par les sanctions économiques, l’Iran se trouve actuellement en position de vulnérabilité.

États-Unis, Arabie saoudite, Israël

M.  Devine estime que les États-Unis, avec Donald Trump en difficile posture dans une année de réélection, pourrait être derrière une attaque présumée. Une façon de forcer les Iraniens à bouger, croit-il. Chercheur à l’Université de Californie à Los Angeles, Benjamin Radd y voit pour sa part toutes les marques d’une possible intervention israélienne. Le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a d’ailleurs alimenté les rumeurs avec une déclaration ambiguë dans la foulée des explosions, soulignant que l’État hébreu ne pouvait pas laisser l’Iran avoir la bombe nucléaire, avant d’ajouter : « Nous ne sommes pas nécessairement liés à tout événement qui se passe en Iran ». Julian Spencer-Churchill, de l’Université Concordia, croit qu’il pourrait plutôt s’agir d’un message lancé par les États-Unis avec l’Arabie saoudite, notamment contre le soutien de l’Iran dans la guerre au Yémen.

Cyberattaques

Les explosions pourraient être une riposte israélienne à une présumée cyberattaque contre ses installations d’eau potable en avril dernier, rapportée notamment par le Financial Post. Le problème de fonctionnement des pompes aurait été repéré sans causer les dommages attendus.

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« En ce qui concerne la cybersécurité, on sait que l’Iran a des moyens offensifs très sophistiqués », note M.  Juneau. Les cibles potentielles de l’Iran sont « aussi préparées qu’elles peuvent l’être » contre une éventuelle cyberattaque, estime M.  Radd, mais « il n’est pas possible de la prévenir à 100 % quand on s’en remet à une machine ».

— Avec l’Agence France-Presse, le New York Times et le Haaretz