(Istanbul) Le président turc Recep Tayyip Erdogan a exclu mercredi de faire « le moindre pas en arrière » face au régime de Bachar al-Assad dans le nord-ouest de la Syrie, au moment où de nouvelles discussions commençaient avec l’allié russe de Damas.

Nouvel épicentre du conflit ravageant la Syrie depuis presque neuf ans, la province d’Idlib a été le théâtre d’affrontements ces dernières semaines entre la Turquie, qui parraine des groupes rebelles, et le régime de Bachar al-Assad, appuyé par la Russie.

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Juste avant l’arrivée d’une délégation russe, ce matin, le président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan a exclu que l’armée turque en Syrie fasse « le moindre pas en arrière » face au régime de Bachar al-Assad.

L’offensive qu’a déclenchée le régime syrien en décembre pour reprendre ce dernier bastion rebelle et djihadiste a provoqué une catastrophe humanitaire, avec près d’un million de déplacés coincés dans une étroite bande de territoire à la frontière turque.

Ultimatum

Dans ce contexte tendu, M. Erdogan a de nouveau sommé le régime de se retirer d’ici fin février de certaines zones d’Idlib, où des postes d’observation turcs sont encerclés par les forces de Damas.

« Nous ne ferons pas le moindre pas en arrière, nous repousserons le régime (syrien) au-delà des frontières que nous avons fixées », a déclaré le président turc mercredi lors d’un discours à Ankara. « Nous sommes en train de planifier la libération, d’une manière ou d’une autre, de nos postes d’observation d’ici fin février ».

Soulignant qu’Ankara ne pouvait pas utiliser l’espace aérien, contrôlé par Moscou à Idlib, M. Erdogan a affirmé qu’une « solution » serait « bientôt trouvée », sans fournir de précision.

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Un véhicule blindé BTR80 russe lors d’une patrouille sur l’autoroute M4, considérée par les Turcs, les Syriens et les Russes comme d’importance stratégique pour contrôler la région.

Peu après ces déclarations, des militaires et diplomates russes ont atterri à Ankara pour de nouvelles discussions avec leurs homologues turcs qui ont débuté en fin d’après-midi, selon les médias. Ces discussions devraient se poursuivre jeudi à partir de 6 h (heure du Québec), d’après un diplomate turc. Des contacts la semaine dernière n’avaient donné aucun résultat.

Compromis difficile

L’offensive du régime appuyée par l’aviation russe a suscité des frictions entre Ankara et Moscou qui, en dépit de positions opposées en Syrie, y avaient renforcé leur coopération ces dernières années.

Mais l’éloignement de leurs intérêts à Idlib et la fermeté affichée par les deux camps -Moscou a rejeté mardi l’idée d’un cessez-le-feu à Idlib- ont creusé un fossé entre ces deux acteurs majeurs du conflit, rendant tout compromis difficile.

Alors que l’Occident est critiqué pour son incapacité à peser sur la situation à Idlib, les ministres des Affaires étrangères de 14 pays européens ont exhorté mercredi Ankara et Moscou à la « désescalade », dans une tribune publiée par le journal français Le Monde.

Lors des discussions avec la délégation russe mercredi, Ankara demandera en priorité « de faire cesser durablement les attaques du régime » à Idlib, selon le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu.  

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Un chasseur-bombardier Sukhoi-25 russe survolant le nord-ouest de la Syrie en 2018.

En février, 17 soldats turcs ont été tués par des tirs du régime dans cette région où Ankara a massé d’importants effectifs ces dernières semaines.

Le ministre turc a indiqué que M. Erdogan et son homologue russe Vladimir Poutine s’étaient « mis d’accord pour se rencontrer », avant un éventuel sommet quadripartite avec la France et l’Allemagne.

M. Erdogan a par ailleurs déclaré que la Turquie n’avait toujours pas reçu l’aide « promise » par les États-Unis à Idlib, réitérant qu’Ankara souhaitait acquérir des systèmes de défense américains Patriot si Washington acceptait de les vendre, selon des propos rapportés par la presse mercredi.

Progression du régime

Pendant ces discussions, le régime de Damas continue d’avancer sur le terrain.

Dans un communiqué lu à la télévision publique, le commandement de l’armée syrienne a annoncé mercredi avoir « repris le contrôle » ces derniers jours d’une dizaine de localités, réitérant sa « détermination à libérer tous les territoires de la République arabe syrienne du terrorisme et de ses soutiens ».

Mardi, le régime a notamment repris la ville symbolique de Kafranbel, une des premières à s’être ralliées à la contestation anti-Assad en 2011. Au fil des années, les manifestants mobilisés chaque semaine rivalisaient de créativité et d’humour, notamment via des pancartes brandies lors des rassemblements.

Ces dernières semaines, le régime syrien a conquis près de la moitié de la province d’Idlib, contrôlée depuis des années par les djihadistes de Hayat Tahrir al-Cham, ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, et des groupes rebelles.

Cette vaste offensive a provoqué une nouvelle catastrophe humanitaire, plongeant encore plus dans l’horreur ce pays ravagé par une guerre qui, depuis 2011, a fait plus de 380 000 morts.  

La dernière offensive du régime a tué plus de 400 civils, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), et déplacé près de 900 000 personnes d’après l’ONU, soit l’exode le plus massif en une si courte période depuis le début de la guerre.

Parmi les déplacés, 170 000 civils vivent en plein air ou dans des bâtiments inachevés, faute de place dans les camps de déplacés surpeuplés.