(Nations unies) Les Palestiniens ont renoncé à demander un vote mardi au Conseil de sécurité de l’ONU d’une résolution rejetant le plan de paix américain, faute d’appui international suffisant et en raison de fortes pressions américaines sur les soutiens de leur président Mahmoud Abbas.

Porté par l’Indonésie et la Tunisie, le texte risquait de ne pas avoir neuf voix en sa faveur (sur quinze), le minimum requis pour une adoption, hors veto d’un pays membre permanent, a indiqué un diplomate.

« Très forte pression » des États-Unis

Selon une autre source, s’exprimant également sous couvert d’anonymat, les pays soutenant les Palestiniens ont été soumis à une « très forte pression » de Washington avec des menaces de « mesures de rétorsion » financières.

Cette décision soudaine survient après le dépôt par les États-Unis – dotés d’un droit de veto – d’une série d’amendements au texte en négociations depuis la semaine dernière et qui devait être mise au vote lors d’une réunion du Conseil de sécurité en présence de Mahmoud Abbas.

Selon les amendements américains obtenus par l’AFP, Washington propose de rayer des paragraphes entiers du projet, notamment tous ceux faisant référence explicitement aux résolutions de l’ONU depuis 1967. Toutes les mentions relatives à Jérusalem-Est sont aussi supprimées.

Si les amendements américains continuent de reconnaître que le plan de paix américain du 28 janvier « s’écarte des paramètres internationalement approuvés pour une solution durable, juste et totale » au conflit israélo-palestinien, il veut souligner que le Conseil de sécurité « accueille favorablement la discussion sur cette proposition pour faire avancer la cause de la paix ».

« Fissures en cascade »

« Les consultations continuent sur le texte », a indiqué un diplomate sous couvert d’anonymat. D’autres sources ont toutefois mis en doute la possibilité d’un vote ultérieur au vu de positions radicalement divergentes entre les Palestiniens et les Américains.

La venue de Mahmoud Abbas mardi matin devant le Conseil de sécurité n’est pas remise en cause à ce stade, ont indiqué plusieurs sources diplomatiques.

Le président palestinien pourra alors se targuer, dans son rejet du plan de paix américain dévoilé le 28 janvier, d’un soutien de la Ligue arabe, de l’Organisation de la Coopération islamique et de l’Union africaine acquis dimanche. Mais dans la réalité, plusieurs pays clés, y compris parmi les membres de ces organisations, n’affichent pas une opposition catégorique aux États-Unis.

Le limogeage la semaine dernière de l’ambassadeur tunisien à l’ONU, en pleines négociations sur le projet de résolution palestinien, en a été une claire illustration.

Jeudi, Jared Kushner, gendre du président américain et artisan du plan de paix américain pour le Proche-Orient, avait résumé d’une formule lapidaire, l’état d’esprit de la communauté internationale. Ce front présente « des fissures en cascade », avait-il souligné.

Il s’était notamment félicité que l’Union européenne-dont quatre membres siègent au Conseil de sécurité (France, Allemagne, Belgique, Estonie) -avait été incapable de s’entendre sur un communiqué commun au lendemain de la publication du plan de paix de Donald Trump.

Selon des diplomates, un vote d’une résolution à l’ONU critiquant le projet américain aurait été loin de recueillir les 14 voix qui avaient dénoncé, en décembre 2017 lors d’un vote du Conseil de sécurité, la décision américaine unilatérale de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël.

Plan déséquilibré

Depuis, le soutien international aux Palestiniens s’est érodé. Outre le Royaume-Uni qui a quitté l’UE fin janvier, des pays comme l’Allemagne ou l’Estonie pourraient s’abstenir lors d’un scrutin, estimait récemment un diplomate sous couvert d’anonymat, sans même parler du veto attendu des États-Unis pour tout texte critique.

Le projet de Donald Trump retient une « solution à deux États » et propose de créer une capitale d’un État palestinien à Abou Dis, un faubourg de Jérusalem, alors que les Palestiniens veulent faire de l’ensemble de Jérusalem-Est la capitale de leur État.

Il intègre aussi une annexion des colonies israéliennes, ainsi que de la vallée du Jourdain en Cisjordanie, territoire palestinien occupé depuis 1967, avec des frontières en rupture avec les lignes tracées à l’époque. Il prévoit enfin un État démilitarisé pour la Palestine.

Les Palestiniens et plusieurs pays ont rejeté ce plan comme déséquilibré et beaucoup trop favorable à Israël.

Jared Kushner qui a réuni jeudi les membres du Conseil de sécurité à New York a défendu une approche rompant avec les « habitudes » du passé qui n’ont rien donné, selon lui. Il avait aussi fait valoir que « les gens étaient fatigués de ce problème » entre Israël et les Palestiniens.

Le conseiller américain avait aussi confirmé avoir obtenu d’Israël qu’il n’y ait pas d’annexion de colonies ou de la vallée du Jourdain avant les élections israéliennes prévues début mars. Une façon de mettre un peu plus la pression sur Mahmoud Abbas pour qu’il vienne à une table de négociations discuter du plan américain.