(Washington) Les États-Unis ont imposé vendredi des sanctions à des chefs de milice irakiens proches de l’Iran accusés d’être impliqués dans la « répression brutale » des manifestations qui ont secoué l’Irak, tout en dénonçant vivement « l’ingérence » de Téhéran dans la formation du nouveau gouvernement de Bagdad.

Le Trésor américain a sanctionné Qais al-Khazali, Laith al-Khazali et Hussein Falil Aziz al-Lami, trois membres du Hachd al-Chaabi, coalition chiite de paramilitaires dominée par les pro-Iran et intégrée à l’État irakien, accusés de « violation graves des droits humains ».

Quelque 430 personnes sont mortes en Irak au cours de la répression des manifestations qui ont éclaté le 1er octobre contre le pouvoir, la corruption, le chômage, la pauvreté et les ingérences étrangères.

Un quatrième Irakien, l’homme politique Khamis Farhan al-Khanjar al-Issawi, a également été sanctionné pour « corruption généralisée aux dépens de la population irakienne ». Ces mesures punitives prévoient le gel de tous leurs éventuels avoirs aux États-Unis et interdisent toute transaction avec des ressortissants américains.

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Qais al-Khazali, membre du Hachd al-Chaabi, coalition chiite de paramilitaires dominée par les pro-Iran et intégrée à l’État irakien

« La tentative de l’Iran d’étouffer les demandes légitimes de réformes exprimées par les Irakiens, en massacrant des manifestants pacifiques, est épouvantable », a déclaré le secrétaire au Trésor américain Steven Mnuchin dans un communiqué, apportant le soutien des États-Unis à la contestation « dans son effort pour mettre fin à la corruption ».

« Le peuple irakien veut récupérer son pays. Ils demandent des réformes authentiques et veulent des dirigeants dignes de confiance, qui feront passer les intérêts nationaux irakiens en priorité », a renchéri le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo.

« Grave violation de la souveraineté »

Son adjoint chargé du Moyen-Orient, David Schenker, a prévenu que de nouvelles sanctions pourraient intervenir, y compris contre de plus hauts responsables.

Lors d’une conférence de presse à Washington, il s’en est pris au rôle de l’Iran voisin, bête noire des États-Unis dans la région, alors que le général iranien Qassem Soleimani se trouve à Bagdad en pleines négociations pour le choix d’un nouveau premier ministre.

« C’est un cas d’école qui montre pourquoi l’Iran ne se comporte pas comme un pays normal », a-t-il estimé, avant de marteler : « Ce n’est pas normal, ce n’est pas raisonnable », « c’est incroyablement problématique et c’est une grave violation de la souveraineté irakienne ».

« Nous appelons les voisins à ne pas s’ingérer ni saper la Constitution du pays », a-t-il insisté.

Il a également jugé « très probable » que le régime iranien soit « derrière » le tir de deux roquettes jeudi soir sur une base abritant des soldats américains à Al-Balad, au nord de Bagdad.

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Quelque 430 personnes sont mortes en Irak au cours de la répression des manifestations qui ont éclaté le 1er octobre contre le pouvoir, la corruption, le chômage, la pauvreté et les ingérences étrangères.

La fin des ingérences étrangères, et notamment de Téhéran, est au cœur des revendications de la rue. Le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse chiite d’Irak, a lui-même fait savoir qu’il s’opposait à ces « ingérences » dans la nomination du premier ministre, après la démission d’Adel Abdel Mahdi la semaine dernière.

Les États-Unis, autre puissance étrangère très impliquée dans le pays depuis leur intervention militaire en 2003, tentent eux d’afficher une certaine distance par rapport aux négociations politiques en cours.

« Le gouvernement américain travaillera avec tous ceux qui, dans le gouvernement irakien, entendent donner la priorité aux intérêts de l’Irak », a toutefois affirmé David Shenker, mettant en garde, en creux, contre le choix de dirigeants trop ouvertement pro-iraniens.