Au moins 20 personnes ont été tuées dans l'attaque de l'hôtel Intercontinental de Kaboul le week-end dernier, a affirmé le ministère afghan de la Santé jeudi, alors que des bilans contradictoires continuent de circuler, alimentant la confusion.

Ces victimes sont «sept Afghans et 13 étrangers», a déclaré à l'AFP le porte-parole du ministère de la Santé, Wahid Majrooh. Il a ajouté que les corps «de cinq assaillants présumés» avaient également été retrouvés, faisant état d'un bilan total de 25 morts.

Mais selon un décompte établi par l'AFP auprès de leurs ambassades et gouvernements respectifs, quinze ressortissants étrangers ont été tués.

Le ministère afghan de l'Intérieur a laissé entendre que le bilan pourrait encore évoluer. «La mission de collecte des faits et d'enquête va s'achever aujourd'hui», a indiqué le porte-parole adjoint du ministère, Nasrat Rahimi. Le ministre «donnera de nouveaux éléments» lors d'une conférence de presse samedi, a-t-il dit.

De leur côté, les médias afghans avancent des chiffres beaucoup plus élevés. La chaîne Tolo News, citant des «sources crédibles», a ainsi affirmé que l'attaque revendiquée par les talibans avait fait 43 morts.

Le gouvernement afghan entretient souvent l'opacité sur les bilans finaux après des attentats d'envergure - l'explosion d'un camion piégé à Kaboul le 31 mai dernier, l'attaque de la base militaire du nord fin avril ou celle de l'hôpital militaire de Kaboul, en mars - et tend à les minimiser.

«Inévitables répercussions»

«Le gouvernement s'inquiète des inévitables répercussions de cette attaque» et de celle de mercredi, contre l'ONG Save the Children à Jalalabad (est), revendiquée par le groupe État islamique (cinq morts et 27 blessés), estime un responsable de média afghan sous couvert d'anonymat.

«Les entreprises vont y réfléchir à deux fois avant de venir et, de nouveau, les étrangers vont partir. On a déja vu ça, après l'explosion du 31 mai par exemple. Ce qui incite les autorités à retenir les informations», ajoute-t-elle.

Parmi les personnes tuées figurent quatre Américains, annoncés mercredi soir par le Département d'État, sept Ukrainiens travaillant pour la compagnie aérienne Kam Air; deux Vénézuéliens (également employés de Kam Air); une Allemande de l'ONG Shelter Now; un Kazakh consultant d'une compagnie de télécommunication.

Par ailleurs, 41 étrangers de treize nationalités différentes ont été évacués sains et saufs de l'Intercontinental, propriété de l'État afghan, selon une source de sécurité qui estime que l'établissement a été visé précisément en raison du caractère cosmopolite de sa clientèle. Il avait déjà été attaqué en 2011.

L'hôtel était jugé «sûr» pour les étrangers, comme l'a affirmé le vice-président de la compagnie Kam Air, Farid Paykar, qui avait choisi d'y loger son personnel expatrié et a perdu cinq pilotes et quatre membres d'équipage.

Le seul hôtel cinq étoiles concurrent, le Serena, avait lui aussi été attaqué en 2014.

Des failles dans la sécurité

Mais de graves failles dans le dispositif de sécurité ont été dénoncées par les visiteurs de l'hôtel, y compris une équipe de l'AFP qui y était passée quelques heures à peine avant l'attaque: portiques en panne, fouilles distraites des véhicules et inexistantes pour les bagages et les personnes.

La sécurité de l'hôtel avait été confiée depuis le 1er janvier à une compagnie privée, qui a pris la succession des services de sécurité afghans.

Dans un communiqué publié mercredi, après trois jours de silence, KBSS (Kabul Balkh Safety Security company), créée en 2004 à Kaboul, a promis de «s'investir sérieusement dans l'enquête et de partager les détails des conclusions».

«Nous avons décroché ce contrat dans la transparence», insiste-t-elle alors que son directeur, originaire du Panjshir (au nord de Kaboul), est soupçonné par les médias locaux d'avoir bénéficié de l'appui de certains responsables gouvernementaux.

Les compagnies privées protègent de nombreux lieux emblématiques en Afghanistan - ambassades, ONG, hôtels, aéroports... - mais selon une source de sécurité occidentale «bien peu de gardes sont correctement formés: il suffit d'observer leur attitude aux barrages pour comprendre qu'ils ne sont pas en état d'arrêter un commando prêt à mourir».

«Et ils ne veulent pas non plus mourir pour 150 dollars par mois», relève ce spécialiste.