Plusieurs explosions ont retenti dans le centre de Kaboul samedi soir, juste après une visite surprise du secrétaire d'État américain au cours de laquelle John Kerry a appelé les talibans afghans à se joindre au processus de paix.

Des journalistes de l'AFP ont entendu au moins deux déflagrations dans le centre de Kaboul, où se trouvent des ambassades et des bâtiments gouvernementaux, quelques minutes après le décollage de l'avion du chef de la diplomatie américaine. Dans l'immédiat les autorités n'étaient pas en mesure de préciser la nature de ces explosions, ni si des victimes étaient à déplorer, mais les talibans visent fréquemment des cibles gouvernementales et militaires dans la capitale afghane.

Cette visite intervenait au moment où Kaboul tente de ramener les talibans à la table des négociations pour mettre fin à un conflit qui dure depuis 2001. Or le processus de paix est au point mort, car les islamistes refusent tout dialogue direct tant que leurs conditions n'auront pas été remplies, dont le départ d'Afghanistan des 13 000 hommes des troupes étrangères.

« Nous avons parlé de notre but commun qui est de lancer des négociations de paix avec les talibans », a déclaré M. Kerry à l'issue d'entretiens avec le président afghan Ashraf Ghani. « Nous appelons les talibans à entrer dans un processus de paix, un processus légitime (...) qui offre des droits et une protection à tous les Afghans et mette fin à la violence et à la souffrance qu'ils subissent depuis tant d'années », a-t-il asséné.

Mais ce processus n'a pas avancé d'un pouce depuis l'été dernier et la mort du mollah Omar, le fondateur du mouvement taliban. Les efforts des Américains, Chinois, Pakistanais et Afghans pour amener les insurgés à la table des négociations lancés en janvier n'ont pas non plus abouti jusqu'à maintenant.

Le mouvement taliban souffre certes de l'éparpillement de ses troupes depuis la désignation de son nouveau chef, le contesté mollah Akhtar Mansour, mais il n'en a pas moins accentué son insurrection et il se prépare à une nouvelle « offensive de printemps ».

Les États-Unis ont retiré le plus gros de leurs troupes d'Afghanistan et y maintiennent 9800 soldats, un chiffre qui doit en principe tomber à 5500 débuts 2017, selon l'objectif de Barack Obama.

Le général américain John Nicholson, nouveau patron de la mission de l'OTAN en Afghanistan, doit encore se prononcer sur une éventuelle évolution de ce chiffre. Mais John Kerry a préféré botter en touche à l'heure de répondre à une question sur le sujet, car la décision finale reviendra au président américain qui « écoutera ce que son commandant sur le terrain a à lui dire ». De même, Ashraf Ghani a jugé qu » « entre partenaires, on s'écoute, on n'interfère pas dans des processus internes ».

Frictions au sommet de l'État

L'autre dossier qui pèse sur l'avenir de l'Afghanistan, les frictions au sein du gouvernement d'unité nationale, a également trouvé une place de choix lors de la visite de M. Kerry.

M. Ghani et son numéro deux, le chef de l'exécutif Abdullah Abdullah, avaient revendiqué chacun la victoire à la présidentielle de 2014 pendant trois mois avant de se mettre d'accord sur un partage inédit du pouvoir, grâce à la médiation de John Kerry.

Mais depuis lors, les deux hommes ont les pires difficultés à se mettre d'accord sur la politique à adopter. Pour preuve : le ministre de l'Intérieur, Noor ul -Haq Ulumi, a claqué la porte en février, excédé.

Les élections législatives ont, elles, été programmées pour le 15 octobre, soit plus d'un an après l'expiration du mandat des députés, un lourd retard dû aux profonds différends au sommet de l'État sur la façon d'organiser des élections.

D'où la sévère mise en garde de John Kerry samedi, en amont d'une réunion de l'OTAN sur l'Afghanistan prévue en juillet à Varsovie et d'une autre en octobre à Bruxelles sur l'aide au développement à Kaboul. « Je dois vous le dire très directement. Pour que ces réunions soient un succès, il va falloir mettre à profit chaque jour qui nous en sépare », a-t-il lancé en préambule à une session de la commission bilatérale qui a réuni dirigeants afghans et américains au début de sa visite à Kaboul.

« Nous devons nous assurer que le gouvernement d'unité nationale fasse tout son possible pour rester uni et répondre aux attentes des Afghans », a prévenu M. Kerry.