Les forces progouvernementales se sont emparées d'une localité rebelle stratégique du nord-ouest de la Syrie, alors que l'ONU prépare avec difficulté les pourparlers de paix prévus dans les prochains jours à Genève.

La population continue à payer un lourd tribut à la guerre qui a déjà fait plus de 260 000 morts depuis 2011: plus de 90 civils ont été tués au cours des derniers jours par des raids probablement russes sur l'est du pays, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Dans le nord-ouest du pays, le régime poursuit sur sa lancée avec la prise de la localité de Rabia par «les forces armées, en coordination avec des troupes de défense populaire (milices prorégime)», a annoncé dimanche la télévision d'État. L'agence officielle Sana a fait état de «nombreux» rebelles tués.

Rabia était contrôlée depuis 2012 par des groupes rebelles, dont des Turkmènes syriens et le Front Al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda.

«Au cours des 48H, les forces du régime ont encerclé la localité par le sud, l'ouest et le nord, s'emparant de 20 villages aux alentours», a précisé à l'AFP le directeur de l'OSDH Rami Abdel Rahmane.

Les reprises de Rabia et de Salma, un autre bastion rebelle tombé il y a une dizaine de jours, permettent au régime de renforcer son contrôle sur la province de Lattaquié, berceau de la famille du président Bachar al-Assad.

«Dans les prochains jours, nous serons en mesure d'annoncer que tout Lattaquié - ville et province- sera libérée des groupes armés», a déclaré à l'AFP un commandant de l'armée.

«Rôle essentiel» de la Russie

Rabia, la plus grosse agglomération de la zone montagneuse Jabal Turkmane, est un carrefour d'approvisionnement reliant la frontière turque aux places fortes rebelles, souligne Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie au Washington Institute.

«En s'emparant de cette route, l'armée peut bloquer les infiltrations des rebelles vers le sud et Lattaquié. Ils auront désormais du mal à s'approcher ou lancer des missiles sur l'aéroport» de Hmeimin.

Cet aéroport situé au sud de Lattaquié est utilisé par la Russie qui mène depuis le 30 septembre une intense campagne de frappes aériennes en soutien au régime.

Selon M. Abdel Rahmane, des responsables militaires russes ont dirigé la bataille de Rabia et les frappes russes y «ont joué un rôle essentiel».

Des combats se déroulent également depuis plusieurs jours pour le contrôle de la province de Deir Ezzor. 47 civils ont péri samedi dans le village de Khasham, dans des frappes probablement menées par l'aviation russe, tandis que 44 autres ont été tués la veille près de la ville de Deir Ezzor, selon l'OSDH.

Plus au nord, à Qamishli, dans la province de Hassaké, l'explosion d'une bombe devant un cyber café situé en plein coeur de la ville dans un quartier à majorité chrétienne a tué trois personnes et fait plusieurs blessés, selon un correspondant de l'AFP et l'OSDH. L'organisation djihadiste État islamique (EI) a revendiqué l'attentat dans un communiqué.

«Pas de terroristes à table»

Loin du terrain militaire, l'incertitude demeure sur la date du début des négociations indirectes prévues sous l'égide de l'ONU entre le régime et l'opposition. Prévues au départ lundi à Genève, elles seront probablement  retardées de quelques jours, sur fond de désaccords liés à la délégation de l'opposition.

L'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie Staffan de Mistura tiendra lundi une conférence de presse sur ces négociations.

De précédentes négociations avaient échoué en janvier-février 2014. Depuis, le conflit s'est complexifié avec la multiplication des acteurs et la montée en puissance de l'EI sur un territoire de plus en plus morcelé.

Le chef de la diplomatie allemande Frank-Walter Steinmeier a affirmé dimanche la nécessité d'inclure les groupes rebelles dans les discussions.

«Où pensez-vous trouver des groupes modérés après plus de cinq ans de guerre civile et d'extrême violence?», a-t-il demandé.

«Bien sûr, nous ne voulons pas à la table de terroristes ou d'islamistes extrémistes qui voudront seulement saboter la solution politique, mais nous avons besoin de tous ceux qui représentent la société syrienne, qui exercent un pouvoir de facto (...) et sont prêts à mettre un terme aux combats dans le cadre des pourparlers», a-t-il déclaré, cité par le journal Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung.

Cette ligne n'est pas partagée par Moscou, qui a critiqué la nomination à la tête de la délégation de l'opposition de Mohamed Allouche, chef du groupe prosaoudien Jaïch al-Islam, qualifié de «terroriste» par le chef de la diplomatie russe Serguei Lavrov.

Samir Nachar, membre de la Coalition nationale syrienne, principale composante de l'opposition à l'étranger, a déclaré dimanche à l'AFP que l'instance suprême chargée de superviser les négociations se réunira mardi à Ryad pour «définir sa position» concernant «les modifications» de la délégation de l'opposition proposées par MM. Kerry et Mistura.

Les discussions de Genève doivent porter sur la feuille de route établie en décembre par le Conseil de sécurité de l'ONU qui prévoit un cessez-le-feu, un gouvernement de transition dans les 6 mois et des élections dans les 18 mois.

Par ailleurs, la Turquie a arrêté 23 membres présumés de l'EI qui tentaient de traverser la frontière depuis la Syrie. 21 enfants étaient avec les djihadistes, a précisé dimanche l'armée turque.