Israël a annoncé mardi l'interdiction d'une organisation islamiste accusée d'inciter Arabes israéliens et Palestiniens à la violence en propageant des «mensonges» au sujet de l'esplanade des Mosquées, site sensible de Jérusalem-Est au coeur des violences ces dernières semaines.

Cette mesure concerne la «branche nord» du Mouvement islamique en Israël, dont les locaux et ceux d'associations qui lui sont liées ont été perquisitionnés dans plusieurs villes, selon la police.

«Toute personne qui appartient à cette organisation, ou lui fournit des services ou agit dans son cadre, commet désormais un délit passible d'une peine de prison», a affirmé le gouvernement du premier ministre Benyamin Nétanyahou dans un communiqué.

Mohamad Baraké, dirigeant du Haut comité de suivi des Arabes Israéliens, qui regroupe les principales organisations représentant cette communauté, a accusé M. Nétanyahou de chercher à tirer profit du sentiment antimusulman en Occident selon lui après les attentats meurtriers de Paris pour agir contre ce groupe.

Il a annoncé à l'AFP une grève générale jeudi dans les localités arabes israéliennes pour dénoncer cette «décision politique qui sert les intérêts de Benjamin Nétanyahou».

Le chef de la «branche nord», Raëd Salah, a dénoncé une mesure «injuste et inacceptable». Ce dernier a récemment été condamné à 11 mois de prison ferme pour avoir appelé en 2007 «tout musulman et Arabe à venir en aide aux Palestiniens et à lancer une intifada islamique» pour l'esplanade des Mosquées, lieu sacré pour les musulmans et les juifs.

Lors des perquisitions dans les locaux de l'organisation et de 17 associations, de l'argent, des documents et des ordinateurs ont été saisis, selon la police. Tous leurs comptes bancaires ont été gelés.

«Violence mensongère»

M. Nétanyahou est décidé à durcir la répression face à la flambée de violences qui a fait depuis le 1er octobre 84 morts côté palestinien -dont un Arabe israélien- et 12 côté israélien. Un assaillant palestinien a encore été tué mardi après une attaque contre des soldats israéliens en Cisjordanie occupée.

Israël a de nouveau recours aux démolitions de maisons de Palestiniens accusés d'être auteurs d'attentats et refuse de restituer tous les corps des Palestiniens tués. Une loi prévoit aussi une peine minimale de trois ans de prison pour les lanceurs de pierres.

L'interdiction de l'organisation islamiste s'inscrit dans cette politique, même si une certaine accalmie est perceptible ces derniers temps à Jérusalem-Est, occupée et annexée par Israël.

Depuis des mois dans le collimateur des autorités israéliennes, l'organisation est accusée dans le communiqué gouvernemental de «mener une campagne d'incitation à la violence mensongère sur le thème 'La mosquée Al-Aqsa (sur l'esplanade des Mosquées) est en danger' en soutenant faussement qu'Israël viole le statu quo», les règles qui régissent ce site.

Le gouvernement affirme aussi qu'elle «collabore étroitement et en secret» avec les islamistes palestiniens du Hamas et d'appartenir au courant «extrémiste des Frères musulmans».

«Opposé à Daech»

Selon le ministre de la Sécurité intérieure Gilad Erdan, «Israël doit être à l'avant-garde dans la lutte contre l'islamisme extrémiste dont on a vu les émissaires massacrer des innocents à Paris, New York, Madrid et en Israël».

«Le Mouvement islamique, le Hamas, Daech (un acronyme en arabe du groupe djihadiste État islamique) et d'autres organisations ont une idéologie commune», a-t-il ajouté dans un communiqué.

Mais pour M. Baraké, «Israël exploite la situation dans la région et dans le monde pour intensifier ses mesures répressives contre la population arabe dans le pays».

Il a ajouté que même «le Shin Beth est opposé à cette  interdiction», faisant écho aux informations des médias israéliens sur une dispute entre le service de sécurité intérieure israélien, qui craignait que la mesure n'exacerbe les tensions, et la police qui la soutenait.

Kamal al-Khatib, un dirigeant du mouvement interdit, a affirmé que son organisation avait condamné le «massacre commis» à Paris et s'opposait «aux positions de Daech».

Le Mouvement islamique, fondé au début des années 1970, s'est scindé en deux entités distinctes en 1996, dont une seule, la «branche sud», participe aux institutions israéliennes.

La «branche nord» soutient notamment le mouvement des «mourabitoune», interdit en septembre par Israël. Ces «sentinelles» musulmanes venaient manifester aux portes de l'esplanade des Mosquées et leurs face-à-face avec des visiteurs juifs a régulièrement donné lieu à des heurts.

Les Arabes israéliens sont les descendants des Palestiniens restés sur leur terre après la création d'Israël. Citoyens israéliens, ils sont plus de 1,4 million (17,5% de la population).