Le blogueur saoudien Raif Badawi, emprisonné et condamné à la flagellation dans son pays pour «insulte» envers l'islam, a obtenu jeudi le Prix Sakharov pour la liberté d'expression, décerné par le Parlement européen, selon des sources parlementaires.

Animateur du site internet Liberal Saudi Network, Raif Badawi a été choisi par les chefs de file des groupes politiques du Parlement comme lauréat 2015 de cette prestigieuse récompense, parfois considérée comme l'équivalent européen du Prix Nobel de la Paix.

M. Badawi a été préféré aux deux autres sélectionnés pour ce prix: une coalition d'opposants politiques au Venezuela et l'opposant russe assassiné Boris Nemtsov - dont le nom avait été présenté à titre posthume.

Le Parlement européen appelle le roi d'Arabie à libérer Badawi

Le président du Parlement européen, Martin Schulz, a appelé jeudi le roi Salmane d'Arabie Saoudite à libérer «immédiatement» le lauréat 2015 du Prix Sakharov.

«Je demande au roi d'Arabie de libérer immédiatement M. Badawi pour qu'il vienne chercher son prix» à Strasbourg en décembre, a plaidé M. Schulz devant les députés européens à Strasbourg.

Le lauréat 2015 de la prestigieuse récompense européenne, emprisonné et condamné à la flagellation dans son pays pour «insulte» envers l'islam, est «un homme extraordinaire, exemplaire, à qui on a infligé une des peines les plus brutales», a commenté M. Schulz.

Il a «courageusement exprimé ses idées et ses doutes sur les règles de son pays» et «s'est battu pour la liberté de tous les Saoudiens», a ajouté M. Schulz dans un communiqué.

L'annonce de cette décision, prise un peu plus tôt par la conférence des présidents de groupes politiques du Parlement, a été saluée en plénière par une «ovation debout» des députés.

L'épouse de Raif «très heureuse»

Ensaf Haidar, l'épouse de  Raif Badawi, s'est déclarée «très heureuse» du Prix Sakharov pour la liberté d'expression décerné à son mari, actuellement détenu en Arabie saoudite, y voyant «un message d'espoir et de courage».

«Je remercie le Parlement européen, je suis très contente pour ce prix» décerné à Raif Badawi, a déclaré son épouse à l'AFP.

Ce prix «est un message d'espoir et de courage pour lui» et c'est aussi un message pour les autorités saoudiennes que «Raif n'est pas coupable», a ajouté la jeune femme qui vit à Sherbrooke avec ses trois jeunes enfants.

«J'espère que ce prix va aider à faire avancer» sa cause et permettre à Raif Badawi de rejoindre sa famille. Mme Haidar a remercié «toutes les personnes» qui oeuvrent à sa libération et à alerter le monde sur la situation du blogueur dans les prisons saoudiennes.

Mardi, elle avait indiqué craindre une reprise de la flagellation de son mari, après avoir reçu une information en ce sens depuis l'Arabie saoudite. 

Raif Badawi avait subi une première séance de flagellation le 9 janvier, mais les suivantes avaient été repoussées, d'abord pour des raisons de santé, puis pour des motifs non précisés.

Emprisonné depuis 2012, M. Badawi a été condamné fin 2014 à dix ans de prison et à 50 coups de fouet par semaine pendant 20 semaines pour «insulte à l'islam». Ces châtiments corporels ont toutefois été suspendus en janvier 2015, en raison de l'indignation internationale.

Les dix derniers prix Sakharov

Le prix Sakharov honore chaque année depuis 1988 des personnes ou des organisations ayant apporté une contribution exceptionnelle à la lutte pour les droits de la personne.

Voic les dix derniers lauréats :

- 2014 : Le médecin congolais Denis Mukwege qui, dans son hôpital à Bukavu (République démocratique du Congo), soigne les femmes victimes de violences sexuelles

- 2013 : La jeune militante pakistanaise pour le droit à l'éducation Malala Yousafzaï, 16 ans, survivante d'une attaque des talibans en 2012, devenue un symbole de la lutte contre l'extrémisme religieux. Elle obtiendra le Prix Nobel de la paix 2014.

- 2012 : Le cinéaste iranien Jafar Panahi et sa compatriote l'avocate Nasrin Sotoudeh

- 2011 : Cinq militants du Printemps arabe : le Tunisien Mohamed Bouazizi (à titre posthume), l'Égyptien Asmaa Mahfouz, le Libyen Ahmed al-Senussi et les Syriens Razan Zeitouneh et Ali Farzat

- 2010 : Guillermo Farinas, dissident cubain

- 2009 : L'ONG russe de défense des droits de l'homme Memorial

- 2008 : Hu Jia, militant chinois (emprisonné lors de la remise du prix) défenseur de l'environnement et champion de la lutte contre le sida

- 2007 : L'avocat soudanais Salih Mahmoud Osman

- 2006 : Alexandre Milinkevitch, dissident bélarusse

- 2005 : Les Dames en blanc (épouses et membres des parents de dissidents emprisonnés par le gouvernement alors dirigé par Fidel Castro à Cuba), Reporters sans frontières (RSF) et l'avocate nigériane Hauwa Ibrahim.

Parmi les lauréats du prix Sakharov plus anciens figurent, en 1988, Nelson Mandela, alors encore emprisonné en Afrique du Sud, Prix Nobel de la Paix 1993, ainsi que, en 1990, Aung San Suu Kii, chef de file de l'opposition démocratique au régime militaire birman, Prix Nobel de la Paix 1991.