Mohammed Allan, le gréviste de la faim palestinien qui défie les autorités israéliennes, est ressorti du coma jeudi au lendemain de la suspension de sa détention sans jugement, une décision qui n'a pas levé les incertitudes sur son avenir.

M. Allan a été plongé dans le coma par ses médecins mercredi avant de connaître la décision de la Cour suprême à son sujet. Il en a été ressorti jeudi, a indiqué l'hôpital d'Askhélon (ouest d'Israël) où il se trouve.

«Nous sommes en train de lui annoncer ce qui s'est passé, quelles décisions légales ont été prises hier, pour le convaincre de commencer à lui administrer des liquides et du sucre», a dit le directeur de l'hôpital Barzilai, Chezy Levy, à des journalistes.

«J'espère pour lui qu'il comprendra que la situation a complètement changé d'un point de vue légal, et qu'il acceptera de commencer graduellement à se nourrir par la voie digestive», a-t-il ajouté.

Après des jours de bras de fer et devant l'état de M. Allan après près de soixante jours de grève de la faim, la Cour suprême israélienne a décidé mercredi soir de suspendre, «pour le moment», sa détention sans inculpation et de le maintenir en soins intensifs.

On ignore la réaction de M. Allan et sa faculté à analyser les nouveaux éléments. Met-il fin à sa grève de la faim? «On ne sait pas clairement où on va», a dit Chezy Levy.

Après son nouvel épisode comateux, «il va mieux», a dit le praticien. Il a recommencé à parler à ceux qui l'entourent, mais «il est très faible» et la voie du rétablissement s'annonce «très, très longue».

Volonté de compromis

Les trois juges de la plus haute instance israélienne ont levé les restrictions aux visites de ses proches. Mais ils laissent en suspens une question essentielle: Mohammed Allan pourrait-il être à nouveau placé en détention dite administrative une fois rétabli, s'il se rétablit?

Ils se contentent de relever que l'État, dans les débats préalables à leur décision, s'est dit prêt à le relâcher s'il a subi des dommages irréversibles.

L'arrêt de la Cour suprême, un apparent compromis destiné à sortir au moins provisoirement d'une impasse humanitaire et politique, a réjoui les parents de M. Allan. Mais il a aussi frustré beaucoup d'autres, côtés israélien et palestinien. La querelle sur le recours à la détention administrative reste plus que jamais ouverte.

M. Allan, un avocat de 31 ans de Naplouse qui défend des prisonniers palestiniens, est devenu le visage de la lutte contre la détention administrative.

Arrêté en novembre 2014, il a débuté sa grève de la faim le 18 juin. Les raisons précises de son arrestation n'ont jamais été publiquement données. Le Jihad islamique, un groupe désigné comme terroriste par Israël, le présente comme l'un des siens.

Ses soutiens ont décrit un homme déterminé à aller jusqu'au bout. Ses médecins ont indiqué mercredi que le cerveau était atteint, sans se prononcer sur le caractère irréversible ou non de ces atteintes.

Instrument de «punition»

M. Allan n'en serait pas là si la Cour suprême avait statué avant qu'il ne soit «aux portes de la mort», a regretté l'un des avocats du prisonnier, Jamil al-Khatib, dans un communiqué publié par l'organisation Adalah, qui soutient M. Allan.

Le cas de M. Allan prouve que la détention administrative «est devenue un instrument pour punir et se venger des Palestiniens sans inculpation ni procès», a-t-il dit.

Ce régime d'emprisonnement extrajudiciaire permet aux autorités israéliennes de détenir un suspect sans lui notifier d'inculpation pendant six mois renouvelables indéfiniment.

Sur environ 5800 détenus palestiniens, environ 340 sont en détention administrative selon les autorités israéliennes, plus de 450 selon les Palestiniens.

Le Club des prisonniers palestiniens a exprimé sa rancoeur devant un arrêt qui «élude la décision qui devait être prise, à savoir le relâcher».

Cette affaire représente un casse-tête pour les autorités israéliennes, prises entre le souci de ne pas céder aux pressions des prisonniers et le risque d'une nouvelle escalade de violence que pourrait provoquer sa mort.

La Cour suprême a semé la discorde jusque dans le camp du premier ministre Benjamin Netanyahu. La ministre Miri Regev, membre de son parti, l'a accusée de «céder au chantage du terroriste Mohammed Allan» au lieu de le nourrir de force en invoquant une loi votée en juillet, précisément pour faire face à de telles situations.