Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a entamé samedi une tournée au Proche-Orient, où il veut relancer des négociations israélo-palestiniennes moribondes, en estimant que la poursuite de la colonisation en Cisjordanie occupée faisait reculer les espoirs de paix.

Reprendre les pourparlers israélo-palestiniens interrompus depuis plus d'un an sous une égide internationale et dans un calendrier précis: telle est l'ossature du projet qu'entend défendre le ministre français au cours de son quatrième voyage dans la région depuis 2012.

«Il faut que la sécurité d'Israël soit assurée complètement, c'est tout à fait essentiel,» a dit d'emblée M. Fabius au Caire, ajoutant immédiatement: «il faut en même temps que les droits des Palestiniens soient reconnus, parce que s'il n'y a pas de justice, il n'y a pas de paix. Et de ce point de vue là, quand la colonisation avance, la solution des deux États recule».

Cette dernière phrase, la veille de son arrivée à Jérusalem, est un pari risqué pour la réussite de son périple, en Égypte, en Jordanie, dans les Territoires palestiniens puis en Israël, tant le sujet déclenche d'ordinaire les foudres de l'État hébreu, qui poursuit sa politique de construction de nouveaux logements en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est.

La communauté internationale considère cette colonisation comme illégale et un obstacle majeur à la reprise du processus de paix.

«Ce n'est pas la seule pierre d'achoppement mais, si on veut la solution de deux États, la seule praticable, comme le reconnaissent d'ailleurs les deux parties, la colonisation, si elle se développe, risque de rendre impossible physiquement cette solution», a développé plus tard M. Fabius.

Le ministre doit se rendre dimanche à Amman, puis à Ramallah, Jérusalem et Tel-Aviv.

«Inciter à faire la paix»

Pour autant, Paris ne se berce pas d'illusions sur les résultats de cette tournée. L'idée est de pousser à une reprise des négociations, mais «on en est loin aujourd'hui», concède un diplomate français déplorant une «inertie mortifère».

Le contexte n'est pas favorable: le premier ministre Benyamin Nétanyahou dirige depuis mai un des gouvernements les plus à droite de l'histoire d'Israël, une coalition fragile dont une partie pousse à l'accélération de la colonisation, certains ministres s'étant prononcés contre la solution à deux États.

Côté palestinien, le président Mahmoud Abbas, affaibli, fait face à une crise politique et n'a pu mener à bien la réconciliation entre son parti le Fatah, au pouvoir en Cisjordanie, et les islamistes du Hamas, qui dirigent la bande de Gaza.

L'activisme de la France sur la question israélo-palestinienne, qui relève du précarré américain, s'est réveillé après l'échec, en avril 2014, d'une médiation de neuf mois du secrétaire d'Etat John Kerry.

L'idée principale «c'est qu'il faut que les parties reprennent les négociations», a martelé M. Fabius au Caire. «Il ne s'agit pas de faire la paix sans les parties, il s'agit d'inciter les parties à faire la paix», a-t-il poursuivi.

«Depuis 40 ans, il y a eu parfois des négociations mais elles n'ont jamais abouti, donc il faut sans doute réfléchir à un certain nombre d'adaptations de la méthode», a estimé M. Fabius qui a proposé samedi à la Ligue arabe, qui siège au Caire, la «création d'un comité international de soutien» aux négociations, qui comprenne «les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU et des représentants de l'Union européenne et des pays arabes».

«Et puis il faut enfin que, le moment venu, tout cela soit entériné par la communauté internationale et pourquoi pas par une résolution des Nations unies», a plaidé le chef de la diplomatie française, concluant: «dans tous les cas nous pensons que ne rien faire ce serait prendre le risque de l'enlisement et de l'embrasement».

Un projet de résolution nécessite cependant l'aval des États-Unis. Or, une résolution palestinienne présentée au Conseil de sécurité et soutenue par la France, prévoyant un accord de paix dans les 12 mois ainsi que le retrait israélien des Territoires occupés avant fin 2017, avait échoué fin décembre, certains des membres, dont les États-Unis, ayant voté contre.

«Cela ne sert à rien de proposer une résolution qui se heurterait à tel ou tel véto», a ainsi estimé M. Fabius.

Mais Paris veut croire que de récentes déclarations américaines assurant que Washington pourrait réévaluer sa position de soutien indéfectible à Israël à l'ONU, «est une ouverture inédite qu'il faut exploiter».