Al-Qaïda a pris une localité du sud-ouest du Yémen en réaction à la conquête d'une ville voisine par les rebelles chiites, laissant craindre un affrontement entre les deux groupes rivaux sur fond d'absence de toute autorité étatique.

Des combattants d'Al-Qaïda se sont emparés durant la nuit d'Udayn, sous-préfecture de la province d'Ibb, dont la capitale du même nom a été conquise mercredi par les rebelles chiites, a indiqué jeudi un responsable des services de sécurité.

Cinq policiers ont été tués dans des affrontements nocturnes avec les insurgés d'Al-Qaïda, qui ont pu prendre le contrôle de la sous-préfecture, du commissariat de police, de la poste et de l'unique banque d'Udayn, selon la même source.

Les assaillants ont ensuite fait exploser le commissariat, selon une autre source de sécurité.

Très actif dans le sud et le sud-est du Yémen, Al-Qaïda «réagit à la complicité des autorités (à Sanaa) dans la prise du chef-lieu d'Ibb par les Houthis (NDLR: les rebelles chiites)», a déclaré à l'AFP un responsable local.

Les rebelles chiites, qui contrôlent la capitale Sanaa et le port stratégique de Hodeida sur la mer Rouge, ont progressé mercredi vers le centre du pays, où leurs milices armées se sont déployées à Ibb et dans la province voisine de Dhamar.

Al-Qaïda, qui recrute parmi les sunnites, majoritaires au Yémen, a juré de livrer une guerre sans merci aux Houthis depuis leur montée en puissance.

Le réseau extrémiste a multiplié les attentats contre les rebelles chiites et leurs partisans, dont le plus sanglant a fait 47 morts le 9 octobre.

À Abyane (sud), deux soldats ont été tués jeudi dans une attaque menée par deux membres d'Al-Qaïda, selon la police.

La veille, des membres d'Al-Qaïda avaient jeté une grenade contre une permanence des rebelles chiites à Sanaa, tuant deux miliciens et en blessant deux autres, selon la police. Et à Radah (centre), le réseau extrémiste a exécuté l'un des dirigeants houthis, Khalil Riami, selon un responsable local.

L'État absent

L'affrontement qui se dessine entre Al-Qaïda et les rebelles chiites se passe sur fond de passivité des autorités, impuissantes à imposer l'autorité de l'État sur le terrain.

L'entrée des rebelles dans la ville d'Ibb semble même avoir bénéficié de la complicité des autorités provinciales.

Après avoir été accueillis mercredi sans résistance, les rebelles chiites se sont vus attribuer jeudi par le gouverneur de la province un complexe sportif pour y installer leur quartier général, selon un responsable local.

Et le chef de la police, accusé de liens avec le parti islamiste Al-Islah, un autre ennemi juré des rebelles chiites, a été limogé, selon la même source.

À Taëz, au sud d'Ibb, des tractations se déroulent entre rebelles houthis et responsables locaux pour organiser la présence des rebelles chiites dans cette ville, la plus grande du pays avec près de quatre millions d'habitants.

Pour le moment, les deux parties sont tombées d'accord pour «ne pas permettre l'entrée d'hommes armés dans la ville», selon une source locale.

Les Houthis ont accepté ce compromis en échange d'une promesse de collaboration des autorités pour rechercher et arrêter des individus soupçonnés d'avoir tué certains de leurs sympathisants.

Ultimatum

Ces grandes manoeuvres se déroulent sans intervention du pouvoir central, qui n'a donné aucune indication sur la formation d'un gouvernement, trois jours après la nomination d'un premier ministre.

Le choix pour ce poste de Khaled Bahah, un ancien ministre du Pétrole, avait laissé espérer une sortie de crise à travers l'application d'un accord politique conclu le 21 septembre et parrainé par l'ONU.

Cet accord prévoit, entre autres, le retrait des combattants houthis de la capitale et la reprise du processus de transition politique.

Or, les Houthis n'ont fait depuis que maintenir leur présence à Sanaa en l'étendant à d'autres zones du pays.

Dans le sud, des dizaines de milliers de personnes observent depuis mardi à Aden, à l'appel de groupes séparatistes, un sit-in pour réclamer l'indépendance du sud du Yémen, qui formait un État autonome jusqu'en 1990.

«Nous avons fixé un ultimatum jusqu'au 30 novembre pour nous remettre les institutions militaires et de sécurité dans le Sud», a déclaré un militant du Mouvement sudiste, Adib al-Issa. Sinon, «elles seront saisies par la force».