Écarté lundi après huit ans au pouvoir, Nouri al-Maliki est passé de l'homme de compromis à celui de tous les maux, ses alliés comme ses opposants l'accusant d'avoir conduit le pays au bord du gouffre avec sa politique d'exclusion des sunnites et son autoritarisme.

Fidèle à ses déclarations des derniers mois, il a d'ailleurs rejeté lundi soir la nomination de son successeur, Haïdar al-Abadi, un membre de son parti, dénonçant une «violation de la Constitution» menée avec le soutien des États-Unis.

Discret, voire totalement dénué de charisme, affectant généralement une mine grave derrière ses lunettes, M. Maliki est sorti de l'ombre en 2006 après avoir milité en exil contre le président Saddam Hussein renversé dans la foulée de l'invasion américaine en 2003.

À l'époque, ce chiite, aujourd'hui âgé de 63 ans, affirmait avoir accepté le poste de premier ministre par sens du devoir plus que par ambition politique, mais il est devenu depuis le dirigeant de l'Irak démocratique à avoir le plus longtemps occupé le pouvoir.

S'il avait les faveurs des États-Unis en 2006, des responsables américains n'ont cessé de le critiquer depuis le début en juin dernier de l'offensive des djihadistes sunnites, qu'il est accusé d'avoir alimentée par sa politique confessionnelle.

Né dans une ville à majorité chiite au sud de Bagdad, Twaïrij, M. Maliki a rejoint le parti islamique Dawa -le plus ancien mouvement d'opposition à Saddam Hussein- alors qu'il était à l'université.

Exil en Iran

En 1979, après l'interdiction du Dawa, il fuit le pays. Condamné à mort par contumace selon son parti, il s'installe en Iran puis en Syrie d'où il milite pour la chute du dictateur, en coordonnant notamment des raids en Irak.

Après le renversement de Saddam, il revient en Irak. Élu à la tête de la Commission de la sécurité du Parlement transitoire en 2005, il est l'un des instigateurs d'une loi antiterroriste particulièrement répressive. Il fait également partie, de 2003 à 2004, du comité chargé de purger l'appareil de l'État des anciens membres du parti Baas, dissous.

En 2006, il succède à Ibrahim al-Jaafari, premier ministre chiite décrié pour son communautarisme par les Kurdes et les sunnites.

Les combats que se livraient alors milices chiites et extrémistes sunnites sur fond d'occupation américaine font sombrer le pays dans le chaos et on reproche à M. Maliki son manque d'autorité.

Mais en 2008, il lance une violente offensive pour réprimer les milices armées, s'attirant du même coup l'inimitié, la haine parfois, du camp du jeune chef radical chiite Moqtada Sadr.

Le succès de l'opération lui vaut les applaudissements de toutes les communautés et renforce son image de leader nationaliste ayant su faire baisser les violences.

Cependant, les analystes estiment que ce recul des attaques est davantage dû à une présence renforcée des forces américaines et une volte-face de tribus sunnites anciennement favorables à Al-Qaïda puis ralliées aux forces étrangères.

Crise perpétuelle

Fort du succès de sa coalition aux élections provinciales de 2009 et de l'amélioration de la situation sécuritaire, M. Maliki parvient à se faire réélire lors des législatives de mars 2010, en présentant une liste interconfessionnelle.

Mais, le second mandat de M. Maliki a surtout été marqué du sceau de la crise perpétuelle, entre les tensions avec la région autonome du Kurdistan, l'impossibilité de faire voter des lois d'importance au Parlement et la résurgence des dissensions entre sunnites et chiites, qui s'accentuent après le départ des troupes américaines en 2011.

À partir de 2012, les violences retrouvent des niveaux jamais vus depuis 2008. M. Maliki, pointé du doigt, reste imperturbable et impute cette recrudescence à des facteurs extérieurs, dont la guerre en Syrie voisine.

Au lieu de tendre la main aux sunnites, comme le lui enjoint la communauté internationale, il mène de larges opérations conduisant à des centaines d'arrestations, attisant encore davantage les tensions.

Accusé par ses détracteurs d'autoritarisme, il n'entend pas renoncer au pouvoir après les législatives d'avril 2014, qui ont vu sa coalition remporter 92 des 328 sièges au Parlement.

Mais même au sein du bloc parlementaire chiite le soutien a fini par se fissurer, l'Alliance nationale irakienne ayant finalement préféré comme candidat lundi M. Abadi, nommé aussitôt premier ministre par le président irakien.