Permis de conduire, diplômes universitaires, votes... À Dekkenet al-Balad (l'épicerie du pays), tout est à vendre. Avec ce petit établissement atypique ouvert en plein coeur de Beyrouth, l'organisation Sakker El Dekkene espère sensibiliser les gens au problème de la corruption qui ronge le Liban, l'un des pays les plus corrompus au monde.

De l'extérieur, Dekkenet al-Balad ressemble à n'importe quelle petite épicerie de quartier. En entrant, on y découvre cependant des produits plutôt insolites tels que de faux formulaires gouvernementaux ou encore des cartes d'identité. Dans cette épicerie de Beyrouth, «tout est à vendre, même tes droits», comme l'indique l'affiche qui trône au-dessus de l'entrée.

«L'idée, c'est de montrer aux gens que la corruption à laquelle ils prennent part au quotidien a des effets très néfastes sur la société. Nous avons utilisé une épicerie pour notre campagne parce que le pays est en quelque sorte à l'image de ces petites épiceries bordéliques où on peut tout acheter. Si les gens acceptent cette corruption, c'est leurs droits qui seront bientôt à vendre», explique Abdo Medlej, président de l'organisation non gouvernementale à l'origine du projet: Sakker El Dekkene (ce qui signifie fermer l'épicerie).

Bien sûr, pas question ici d'acheter une carte d'identité ou un permis de conduire. Il s'agit en fait d'une campagne anticorruption de Sakker El Dekkene. Certains se sont tout de même fait prendre au jeu.

«Un homme est venu avec deux photos et la pièce d'identité de son employeur. Il voulait à tout prix acheter un permis de conduire. Nous lui avons expliqué que ce n'était pas possible, mais il a insisté. Nous avons aussi reçu plusieurs appels de gens qui croyaient que nous vendions réellement ce genre de services», raconte Abdo Medlej.

Appel à la dénonciation

Depuis l'inauguration de l'épicerie le 15 mai dernier, l'organisation appelle les citoyens à dénoncer anonymement les cas de corruption dont ils sont victimes ou témoins en allant sur son site internet ou son application pour téléphone cellulaire. L'organisation a également créé une ligne téléphonique pour recevoir les plaintes. Résultat: l'ONG a enregistré plus de 600 rapports de corruption. «Cela prouve que les gens avaient besoin d'un tel service», déclare Abdo Medlej.

«J'ai souvent été témoin de corruption à l'aéroport, dans la rue auprès des policiers. Pour les Libanais, c'est normal d'avoir un gouvernement corrompu alors que ça n'est pas normal du tout», témoigne Dominique Chouchani, une jeune designer graphique rencontrée à l'épicerie.

Parmi les plus corrompus

Selon l'ancienne présidente de l'Association nationale de lutte contre la corruption, Nadine Moussa, la corruption au Liban est en augmentation constante. «C'est le seul domaine où l'on devance tout le monde», lance-t-elle à la blague.

Selon Transparency International, le Liban figure parmi les 50 pays les plus corrompus au monde.

Pour Nadine Moussa, la seule façon de remédier au problème est d'assainir les moeurs politiques. «Il faut une loi qui consacre l'indépendance de l'autorité judiciaire et changer la loi électorale pour aboutir à une nouvelle génération politique qui représente toutes les composantes de la société libanaise», explique la militante.

Le site de l'ONG Sakker El Dekkene: www.sakkera.com