Les Irakiens ont défié les violences mercredi et se sont rendus aux urnes pour élire leur Parlement lors des premières élections législatives depuis le retrait des troupes américaines fin 2011, le Premier ministre sortant Nouri al-Maliki se disant «sûr de sa victoire».

Environ 60% des 20 millions d'électeurs inscrits ont voté, a annoncé la commission électorale dans la soirée, alors que les violences qui ont tué près de 90 personnes dans les 48H précédent le scrutin faisaient craindre un fort taux d'abstention.

Il était impossible dans la soirée d'obtenir un taux plus précis en l'absence d'information sur la participation dans certaines zones du pays, qualifiées de «sensibles».

Le décompte des voix a commencé immédiatement après la fermeture des bureaux de vote, mais les premiers résultats ne sont pas attendus avant la mi-mai.

Le chef de la diplomatie américaine John Kerry a félicité les millions d'Irakiens qui ont «courageusement voté», estimant qu'ils avaient envoyé «un puissant message de revanche aux extrémistes violents qui tentent de saboter les progrès de la démocratie et de semer la discorde».

L'envoyé spécial de l'ONU en Irak Nickolay Mladenov a également salué le peuple irakien qui «a montré sa détermination à exercer son droit de vote».

Les bureaux de vote, ouverts de 07h00 à 18h00, ont été étroitement surveillés tout au long de la journée pour prévenir tout risque d'attentat.

Les voitures avaient interdiction de circuler dans Bagdad depuis mardi soir, et un couvre-feu total a été décrété dans la capitale pour la nuit de mercredi à jeudi.

Le scrutin a cependant été marqué plus de 50 attaques qui ont fait au moins 14 morts, dont deux membres de la commission électorale, et 36 blessés.

«Pour un avenir meilleur» 

Cela n'a pas empêché les Irakiens d'aller voter, comme Abou Achraf, 67 ans. Cet ancien comptable de l'ouest de Bagdad veut «chasser la plupart des politiciens, parce qu'ils n'ont rien fait, à part se disputer depuis des années».

Appuyé sur ses béquilles, Jawad Saïd Kamaleddine, 91 ans, a lui aussi glissé son bulletin dans l'urne dans l'espoir que «tous les politiciens changent. Ce sont tous des voleurs».

M. Maliki, qui espère un troisième mandat, a voté tôt dans la matinée à l'hôtel Rachid, au coeur de la «zone verte», un secteur fortifié de Bagdad, et a déclaré aux journalistes être «sûr de la victoire».

Le Premier ministre sortant est donné favori, malgré un bilan très critiqué en matière de lutte contre le chômage et la corruption, ou encore de modernisation des services publics, alors que le pays est plongé dans des violences qui font en moyenne 25 morts chaque jour.

«Si on ne vient pas voter, à qui va-t-on laisser le pouvoir? ... aux ennemis», affirmait Oum Jabbar, après avoir glissé un bulletin pour le camp Maliki dans la ville sainte chiite de Najaf.

Tensions instrumentalisées

Pour convaincre les électeurs, les 9039 candidats ont tapissé le pays d'affiches, sur lesquelles chacun met en avant son appartenance ethnique et confessionnelle, plus que son programme.

Les tensions entre chiites et sunnites sont devenues un argument politique instrumentalisé tant par M. Maliki que par les jihadistes. Elles alimentent les violences, qui ont fait plus de 750 morts en avril.

Les insurgés, dont des jihadistes de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), tiennent depuis début janvier la ville de Fallouja, à 60 km à l'ouest de Bagdad, Fallouja et plusieurs quartiers de Ramadi, empêchant la tenue du scrutin dans une partie de la province sunnite d'Al-Anbar.

M. Maliki a su tirer parti de ces tensions pour focaliser l'attention sur la lutte contre les insurgés, tentant de faire oublier son bilan plus que mitigé.

Selon une règle non écrite, le poste de Premier ministre revient à un chiite, les Kurdes détiennent la présidence et les sunnites la tête du Parlement. Or M. Maliki reste le seul chiite ayant l'envergure du poste.

Sa coalition, l'Alliance pour l'État de droit, a de bonnes chances de remporter un certain nombre des 328 sièges en jeu. Elle n'est toutefois pas assurée d'obtenir une majorité, d'autres partis chiites venant la défier dans ses bastions du centre et sud.

Les négociations pour former un gouvernement risquent donc de prendre de longs mois. En 2010, les élections avaient eu lieu en mars et le gouvernement avait prêté serment en décembre.

PHOTO ALI AL-SAADI, AFP

Confiant dans son costume gris perle, M. Maliki a déclaré aux journalistes être «sûr de la victoire».