Plus de 80 personnes ont été tuées dans les violences en Irak ces dernières 24 heures, faisant craindre une journée noire lors des élections législatives mercredi, les premières depuis le départ des troupes américaines en 2011.

Mardi, au moins 20 personnes ont été tuées dans quatre attentats, au lendemain d'une série d'attaques ayant fait 64 morts, essentiellement des membres des forces de l'ordre.

Les attentats de lundi ont visé des convois de l'armée et un rassemblement, mais surtout des bureaux de vote, où les membres des forces de l'ordre étaient convoqués pour voter en avance.

Plus de 20 millions d'électeurs sont appelés à voter mercredi, dans un pays emporté depuis des mois dans une spirale de violences que le gouvernement ne parvient pas à freiner.

Depuis janvier, ces violences tuent en moyenne 25 Irakiens par jour.

Cibles régulières, les forces de sécurité semblent incapables de mettre un terme aux violences, souvent attribuées par le gouvernement à des groupes extrémistes sunnites.

Les tensions entre chiites et sunnites sont profondes, et sont devenues un argument politique, instrumentalisées tant par le premier ministre chiite Nouri al-Maliki que par les djihadistes sunnites.

«Frapper fort»

En 2010, les législatives avaient été marquées par une série d'attentats ayant fait près de 40 morts. Depuis, les violences ont empiré, faisant craindre un bilan bien plus lourd mercredi.

«Les insurgés ne vont pas rester tranquillement assis et dire au gouvernement "allez-y, organisez vos élections". Ils vont frapper fort pour discréditer le gouvernement, discréditer les forces de sécurité et si possible décourager les Irakiens de se rendre dans les bureaux de vote afin de rendre ces élections illégitimes aux yeux d'une majorité d'électeurs», explique John Drake, spécialiste de sécurité pour AKE group.

À Bagdad, dans le quartier de Karrada, visé par trois attentats-suicides en deux semaines, les électeurs se sont pourtant dits bien décidés à voter.

«Demain, nous commençons à changer la situation, pour prouver que le sang de notre ami n'a pas coulé pour rien», explique Mahir Ayad, en tenant, tremblant, un poème écrit pour un proche tué dans l'une des attaques.

Un peu plus loin Laith al-Azzawi, 40 ans, a été touché à l'estomac dans le même attentat. Depuis, ses oreilles bourdonnent encore et il quitte rarement sa maison. Mais mercredi, il ira voter pour tenter de «changer la situation».

Afin de limiter les risques, les autorités ont décrété cinq jours fériés, de dimanche à jeudi. Mercredi, aucune voiture ne sera autorisée à circuler à Bagdad.

La sécurité a été au coeur des débats, et M. Maliki, qui brigue un troisième mandat, prône inlassablement l'unité pour mettre fin au bain de sang.

«Tous ceux qui croient en l'unité de l'Irak, qui refusent le sectarisme et les milices, et n'acceptent pas d'être des agents des services secrets étrangers, seront pour nous des partenaires», déclarait-il lundi soir à la télévision.

Institutions quasi paralysées

Dans un rapport publié lundi, l'International Crisis Group (ICC) a souligné que le premier ministre avait su tirer parti de la menace terroriste, et particulièrement de la situation dans la province sunnite d'Al-Anbar, où les forces de l'ordre ne parviennent pas à reprendre Fallouja.

Des insurgés, dont les djihadistes de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), se sont emparés en janvier de cette ville située à 60 km à l'ouest de Bagdad.

Cette crise «a sauvé les chances de Nouri al-Maliki pour les législatives (...), son second mandat étant largement considéré comme un désastre : ces deux dernières années, l'augmentation des violences, les abus des forces de sécurité, les inondations dans la capitale et sa gestion désastreuse des manifestations sunnites l'ont en partie décrédibilisé, tant chez les sunnites que chez les chiites», selon l'ICC.

La liste des griefs est terriblement longue. Les Irakiens sont las du chômage endémique, de la corruption, du manque criant de services publics, sans parler de la recrudescence des violences meurtrières.

Les institutions sont en outre quasi paralysées par une interminable crise politique, et le Parlement n'a voté que très peu de lois depuis 2010.