La fraude a faussé les résultats du premier tour de l'élection présidentielle en Afghanistan, ont affirmé dimanche les deux candidats arrivés en tête, Ashraf Ghani et Abdullah Abdullah, ce dernier soutenant même qu'en l'absence d'irrégularités, sa victoire aurait été «évidente».

Ce scrutin, première passation de pouvoir d'un président afghan démocratiquement élu à un autre, est considéré comme un test majeur pour ce pays pauvre de 28 millions d'habitants toujours aux prises avec une violente insurrection des talibans et qui plongera dans l'inconnu après le retrait des 51 000 soldats de l'OTAN d'ici à la fin de l'année.

M. Abdullah, un ancien ministre des Affaires étrangères, est arrivé largement en tête du premier tour du 5 avril avec 44,9 % des voix, soit plus de 13 points d'avance sur M. Ghani (31,5 %), un ancien économiste de la Banque mondiale, selon les résultats préliminaires publiés samedi.

Ces résultats ouvrent la voie à l'organisation d'un second tour entre les deux hommes, qui pourrait avoir lieu le 7 juin. Entre temps, les candidats ont l'opportunité de contester les résultats du premier tour, ce qu'ils ont commencé à faire dès dimanche.

«Il y a eu, partout, fraudes et violations, organisées et systématiques, qui auraient pu être évitées», a déclaré M. Abdullah lors d'une conférence de presse à Kaboul.

«À Hérat», la grande ville de l'ouest afghan, «des centaines de milliers de votes ont été invalidés en deux heures», a-t-il pris pour exemple.

«Nous disons depuis le départ que la fraude est notre principal ennemi», a-t-il ajouté, affirmant disposer de «documents» et de «preuves» montrant qu'en l'absence de fraudes, il aurait pu remporter une victoire «nette et évidente» dès le premier tour.

«D'après nos calculs, nous devrions avoir 55 % des votes», soit la majorité absolue requise pour l'emporter dès le premier tour, a précisé à l'AFP le porte-parole du candidat, Sayed Fazel Sancharaki.

«Nous voulons des explications» 

M. Abdullah, 53 ans, était arrivé en deuxième position au premier tour de la précédente élection présidentielle, en 2009, avec plus de 30 % des voix. Il s'était retiré après avoir dénoncé, comme nombre d'observateurs, des fraudes massives, entraînant de facto la réélection du président Hamid Karzaï.

Son rival Ashraf Ghani, 64 ans, a renchéri sur le même thème en affirmant que l'avance dont jouit M. Abdullah «se réduira une fois que les fraudes auront été examinées».

«Certains bureaux de vote n'étaient pas approvisionnés en bulletins (...). Nous voulons des explications de la Commission électorale indépendante», l'instance chargée d'organiser le scrutin, a dit M. Ghani lors d'une conférence de presse dans la capitale afghane.

M. Ghani a également assuré qu'il ne passerait aucun accord secret pour qu'un vainqueur soit désigné avant le second tour, une hypothèse évoquée dans les milieux politiques afghans en raison des inévitables complications, en termes de sécurité et de coût financier, qu'engendrerait l'organisation d'un nouveau vote.

«Le vote des Afghans me commande de ne passer aucun accord en coulisse. Nous sommes prêts, les Afghans sont prêts (...). Nous croyons toujours fermement en la victoire», a dit M. Ghani, arrivé en quatrième position lors de la présidentielle de 2009, avec seulement 2,94 % des voix.

L'élection désignera le successeur de M. Karzaï, seul homme à avoir dirigé l'Afghanistan depuis la chute des talibans en 2001 et à qui la Constitution interdit de briguer un troisième mandat.

Zalmai Rassoul, un proche du président considéré comme le candidat du pouvoir sortant, n'a récolté que 11,5 % des voix au premier tour, selon les résultats publiés samedi.

Il pourrait toutefois jouer un rôle, de même que l'ancien chef de guerre Abdul Rasul Sayyaf (7 %), lors d'éventuelles alliances en vue du second tour.