Un proche conseiller de l'ex-premier ministre Saad Hariri, hostile au régime syrien et à son allié le Hezbollah, a été tué vendredi dans un attentat à Beyrouth marquant une nouvelle escalade dans ce pays divisé entre partisans et opposants de Damas.

M. Hariri, qui dirige la coalition dite du 14 mars, dont Mohammad Chatah était un stratège, a mis en cause le Hezbollah et Damas dans cet attentat à la voiture piégée qui a tué cinq autres personnes, dont le chauffeur de M. Chatah, et fait plus de 50 blessés, selon le ministère de la Santé.

Le mouvement chiite a dénoncé l'attentat comme «une tentative répugnante de porter atteinte à la stabilité et à l'unité nationale, qui ne profite qu'aux ennemis du Liban».

Damas a démenti toute implication, dénonçant des «accusations arbitraires et sans discernement émanant de haines politiques».

Mohammad Chatah est la 9e personnalité libanaise critique du régime de Damas et du Hezbollah à être assassinée depuis 2005.

Le président de la République Michel Sleimane et le premier ministre sortant Najib Miqati ont salué une «personnalité modérée».

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a assuré que la communauté internationale était déterminée à défendre la «sécurité et la stabilité» du pays.

Le président français a condamné un «lâche attentat». L'Arabie saoudite, le Qatar, la Jordanie et le Koweït ont aussi condamné l'attaque.

L'explosion a dévasté une des artères du centre-ville, considéré comme l'une des zones les plus sécurisées de Beyrouth et très fréquenté en particulier le soir en cette période de Fêtes.

Des journalistes de l'AFP ont vu au moins quatre cadavres dans la rue, du sang sur les trottoirs, des voitures calcinées et des immeubles à la devanture dévastée.

Au moment de l'explosion, M. Chatah, 62 ans, ex-ministre des Finances et ancien ambassadeur à Washington, se rendait chez M. Hariri, où devait se tenir une réunion de sa coalition.

«Tout est lié à la Syrie»

Il était considéré comme le représentant au Liban de Saad Hariri qui, pour des raisons de sécurité, n'y vit plus depuis 2011.

Il sera enterré dimanche à Beyrouth, dans le même mausolée que Rafic Hariri, le père de Saad, ancien Premier ministre assassiné en 2005.

«J'étais contente qu'il soit ministre. Mais je ne voulais pas qu'il soit un martyr», a déclaré sa femme, en larmes, dans une interview à la chaîne de télévision Future TV. «Si une personne aussi bonne est assassinée, alors il n'y a pas d'avenir pour le Liban», a ajouté son fils, retenant ses sanglots.

Dans son dernier tweet, une heure avant sa mort, M. Chatah s'en prenait au Hezbollah, l'accusant de faire le jeu du régime syrien au Liban, sur lequel Damas a exercé une tutelle pendant 30 ans.

«Le Hezbollah fait pression pour obtenir des prérogatives en matière de sécurité et de politique étrangères semblables à celles exercées par le régime syrien» pendant la période de tutelle, écrivait-il.

La coalition du 14 mars accuse le mouvement chiite d'utiliser son puissant arsenal comme moyen de pression.

Sur les lieux de l'attentat, des Libanais exprimaient leur ras-le-bol.

«Tout est lié à la Syrie. Il n'y a pas d'avenir. Si je pouvais quitter le pays avec ma femme et mes enfants, je le ferais», a lancé Ziad, 37 ans, qui travaille dans la rue de l'attaque.

Plusieurs attentats ont frappé Beyrouth depuis l'été, visant en majorité des bastions du Hezbollah, dont les hommes combattent les rebelles syriens aux côtés de l'armée du président Bachar al-Assad.

Le dernier remonte au 19 novembre, lorsqu'un double attentat suicide revendiqué par un groupe lié à Al-Qaïda avait visé l'ambassade d'Iran, allié de Damas, faisant 25 morts.

Le 23 août, un double attentat à la voiture piégée contre deux mosquées sunnites avait fait 45 morts à Tripoli, grande ville du nord.

«Pour nous, les accusés sont (...) les mêmes qui refusent de comparaître devant le tribunal international», a indiqué M. Hariri dans un communiqué en référence au Tribunal spécial pour le Liban, chargé de juger les responsables de l'assassinat de son père.

Le procès par contumace des responsables présumés de cet assassinat doit débuter le 16 janvier. Selon un proche de M. Chatah, l'attentat est «un message avant le procès qui veut nous dire 'vous voulez la justice? La voici'».

La communauté internationale déterminée à défendre la stabilité du Liban

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon et le Conseil de sécurité ont fait part vendredi de leur inquiétude quant à la stabilité du Liban après un attentat à Beyrouth dans lequel a été tué un ancien ministre.

M. Ban a condamné «dans les termes les plus forts» cette attaque de vendredi qui a coûté la vie à six personnes, dont l'ancien ministre des Finances Mohammad Chatah, proche conseiller de l'ex-premier ministre libanais Saad Hariri et l'un des chefs de la coalition hostile au régime syrien de Bachar al-Assad.

«Le secrétaire général est profondément inquiet des actes récurrents de terrorisme au Liban, qui posent une véritable menace à la stabilité du pays et à la cohésion nationale», a souligné le porte-parole de M. Ban, Martin Nesirky.

M. Ban salue les efforts des autorités libanaises et des forces de l'ordre pour «protéger le pays de l'impact de la crise dans la Syrie voisine», et appelle toutes les parties à la retenue, a-t-il ajouté.

Le patron de l'ONU «réitère la détermination de la communauté internationale à défendre la sécurité et la stabilité du Liban», alors que le conflit persistant en Syrie continue de menacer de plus en plus les pays voisins.

M. Ban a par ailleurs rendu hommage à M. Chatah, «une voix prônant inlassablement la tolérance, la diversité et la modération» et dont la mort «constitue une terrible perte pour le Liban».

Les quinze pays membres du Conseil de sécurité se sont entendus sur une déclaration qui «condamne sans équivoque toute tentative de déstabilisation du Liban par le biais d'assassinats politiques» et «exige l'arrêt immédiat de la violence et de l'intimidation contre des responsables politiques».

Comme il l'a fait à plusieurs reprises par le passé, le Conseil a appelé les Libanais «à préserver leur unité nationale face aux tentatives de déstabilisation du pays» et a insisté sur l'importance pour tous les Libanais de «respecter l'unité du pays et la non-implication du pays dans la crise syrienne».

La coalition libanaise hostile au régime syrien a mis en cause le pouvoir à Damas et son allié, le Hezbollah chiite, dans l'attentat de vendredi.

John Kerry condamne un attentat «terroriste odieux» au Liban

Le secrétaire d'État américain John Kerry a condamné vendredi l'attentat «terroriste odieux» qui a tué un conseiller de l'ex-premier ministre libanais Saad Hariri hostile au régime syrien.

Dans un communiqué, le chef de la diplomatie américaine a estimé que l'«assassinat» de Mohammad Chatah, ancien ministre des Finances et qui fut ambassadeur de son pays à Washington, était une «perte terrible pour le Liban, pour le peuple libanais et pour les États-Unis».

M. Kerry, qui connaissait M. Chatah lorsqu'il était sénateur américain, a loué une «voix raisonnable, responsable et modérée» ainsi qu'une «vision pour un Liban uni, sans violences confessionnelles ni ingérence déstabilisatrice».

Il a assuré que l'administration américaine «soutenait le Liban pour traduire en justice les responsables de cet attentat haineux et lâche».

Le secrétaire d'État n'a pas fait référence au conflit syrien frontalier du Liban ni au Hezbollah qui soutient Damas, mais a de nouveau plaidé pour que le Liban «préserve sa souveraineté et sa stabilité».

M. Chatah, proche conseiller de l'ancien Premier ministre Saad Hariri, hostile au régime syrien et à son allié le Hezbollah, a été tué vendredi dans un attentat à la voiture piégée à Beyrouth marquant une nouvelle escalade dans ce pays divisé entre partisans et opposants de Damas.

M. Hariri, qui dirige la coalition dite du 14 mars, dont M. Chatah était un stratège, a mis en cause le Hezbollah et Damas dans cet attentat qui a fait cinq autres morts, dont le chauffeur de M. Chatah, et plus de 50 blessés, selon le ministère de la Santé.

Des rescapés sous le choc

«Je n'arrive pas à croire que je suis toujours en vie»: Ali Aoun est encore sous le choc de la puissante explosion qui a dévasté une rue du centre-ville de Beyrouth vendredi tuant six personnes, dont un conseiller de l'ex-premier ministre Saad Hariri.

Dans ce quartier chic de la capitale libanaise, les gravats contrastent avec l'habituel va-et-vient des touristes, hommes d'affaires et autres badauds profitant du front de mer tout proche.

Vendredi, pour la plupart des personnes interrogées, plus aucun endroit à Beyrouth ne peut être considéré comme sûr.

«L'explosion a été très puissante, tous les bâtiments ont tremblé autour de moi», raconte Ali. Ce balayeur se trouvait à quelques dizaines de mètres de l'explosion qui s'est produite vers 10 h (3 h à Montréal).

L'attentat à la voiture piégée qui a tué Mohammad Chatah a été d'une telle puissance que des cafés, bâtiments, magasins et bureaux ont été endommagés dans un rayon de plusieurs dizaines de mètres.

Des traces de sang maculaient des trottoirs refaits à neuf par «Solidere», une société financée par Rafic Hariri, qui a reconstruit le centre historique de Beyrouth, dévasté par quinze années de guerre civile (1975-1989).

«La zone de Solidere est supposée être une zone sûre, peut-être la plus sûre du pays», s'étonne Ziad.

«Mais c'est évident qu'il n'y a plus aucun endroit sûr. Si je pouvais emmener ma femme et mes enfants ailleurs, je le ferais», confesse ce trentenaire.

L'explosion s'est produite à quelques rues du lieu où l'ancien Premier ministre Rafic Hariri -père de Saad Hariri- avait été assassiné en février 2005.

Ce nouvel attentat «veut dire que le pays se dirige vers la destruction», s'alarme Hatem, un vigile travaillant dans le quartier.

«N'importe qui, n'importe quand»

«La pire chose est le sentiment d'insécurité. (Avec cet attentat) il y a un message adressé à tout le monde au Liban: n'importe qui peut être tué, n'importe où, n'importe quand», s'inquiète ce témoin de l'attentat.

Avant M. Chatah, huit hommes politiques en vue hostiles au régime de Damas ont été tués depuis 2005, les autorités syriennes et leurs alliés du Hezbollah libanais étant soupçonnés d'en être les responsables. Cinq membres du Hezbollah sont inculpés par le TSL (Tribunal spécial pour le Liban) dans celui de Rafic Hariri.

«Comment est-il possible qu'une telle chose se produise, alors que tout le monde se rendait au travail?» s'interroge Zoulfiqar, un homme d'affaires sidéré que ce quartier huppé, équipé de caméras de surveillance, puisse être la cible d'un attentat.

Parmi les bâtiments endommagés par l'explosion certains étaient en cours de construction.

Un Koweïtien, tout juste arrivé à Beyrouth pour un voyage d'affaires, accompagne Zoulfiqar. «Plus personne ne va venir pour faire des affaires ici», s'inquiète-t-il alors que l'économie libanaise a été affectée ces dernières années par des violences à répétition et par le conflit qui fait rage en Syrie.

«J'étais au travail. Plusieurs de mes collègues ont été blessés alors qu'ils étaient dans leurs bureaux», raconte Joëlle, 28 ans, une employée qui se dit «terrifiée».

Retenant difficilement ses larmes, elle ajoute: «personne ne mérite de mourir de cette façon».

Les tensions déjà vives au Liban se sont accrues, au fur et à mesure que la Syrie, ancienne puissance tutélaire, s'est enfoncée dans un conflit devenu guerre civile.

Le Liban tout entier est très profondément divisé entre pro et anti-Damas, surtout depuis que le Hezbollah chiite libanais a admis en mai envoyer des combattants pour soutenir les troupes du régime syrien.

Des sunnites libanais ont aussi traversé la frontière et pris les armes du côté des rebelles.

- Serene ASSIR