Alors que le gouvernement israélien vient d'annoncer le retrait d'un projet de loi visant à expulser une partie de la communauté bédouine de son habitat traditionnel, ils restent nombreux à se battre pour la sauvegarde de leur mode de vie. Une lutte toujours difficile pour cette minorité peu audible dans le pays.

Au creux des dunes, une vision fugitive, une ombre éphémère. De part et d'autre de l'autoroute qui serpente aux confins du désert du Néguev, à deux pas à peine des glissières de sécurité, campements de fortune et baraquements de tôle rappellent la présence des Bédouins.

Ils vivent sur ces terres du sud d'Israël depuis des centaines d'années. Un mode de vie singulier qui a bien failli disparaître du jour au lendemain. Depuis le mois de juin, le gouvernement et le Parlement avaient donné leur accord à l'application du «plan Prawer», un projet d'expulsion de près de 40 000 d'entre eux. Il prévoyait que les habitants de campements «illégaux», sans eau courante ni électricité, seraient relogés dans des cités dortoirs, plus modernes. Le but? Récupérer plus de 70 000 hectares de terres pour y construire des habitations et encourager la population juive du reste du pays à venir s'y installer.

Les autorités israéliennes y ont finalement renoncé jeudi soir. En cause, les réticences profondes d'une partie de la coalition gouvernementale et les dissensions récurrentes au sein du Parlement. Depuis des mois, on dénonçait de tous les côtés de l'échiquier politique les modalités du plan. Trop laxiste pour les députés les plus à droite, il était dénoncé par leurs collègues de gauche comme un projet injuste et raciste. Si les réserves de la classe politique ont joué en défaveur de l'initiative, les affrontements des dernières semaines entre Bédouins et forces de l'ordre ont achevé de convaincre le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, de faire marche arrière.

Avant l'abandon du projet de loi, la crainte de voir le plan appliqué avait provoqué de vives tensions dans le pays. Samedi 30 novembre, des milliers de Palestiniens et de Bédouins sont descendus dans les rues pour dénoncer la confiscation des terres palestiniennes et le plan Prawer. Une manière pour cette communauté souvent discrète, presque secrète, de dénoncer une expropriation dissimulée, un exil forcé.

Quelques jours après ces démonstrations de violences, l'atmosphère demeurait tendue à Lakyia, l'un des plus grands villages bédouins du Néguev. Dans les échoppes, sur le pas des maisons, un seul sujet de conversation continuait d'occuper les habitants: le «jour de rage».

Devant chez lui, Zaid se souvient: «Je suis allé manifester à Hura, un village voisin. Même si à Lakyia nous n'étions pas directement concernés, je devais être là pour ceux qui risquent d'être délogés d'une terre qu'ils habitent depuis toujours!» Si, pour les Bédouins, le retrait du plan Prawer représente une victoire sans précédent, le chômage, la pauvreté et des conditions sanitaires déplorables continuent de gangréner le quotidien de cette communauté oubliée des autorités. Ils sont également victimes d'une ségrégation de chaque instant.

À l'Université de Beersheba, la plus grande ville de la région, la minorité est visible, mais bien à part. Les jeunes femmes apprêtées, livres à la main et foulards sur la tête, pressent le pas vers leurs prochains cours. Instruites et relativement émancipées, elles ne se mélangent pourtant pas aux autres étudiants.

«Nous sommes la première génération de femmes à faire des études supérieures. Pour autant, je ne me fais pas d'illusion. Je sais que mon diplôme ne me servira que dans le cadre restreint de notre communauté», se désole Najwan, en rajustant son voile.

«Les Israéliens nous méprisent. Pensez-vous que l'un d'entre eux ira spontanément voir un avocat ou un médecin bédouin?», lance Nasra, l'une de ses amies, avec un mélange de déception et d'ironie.

Sédentarisation, intégration, autant de défis à relever pour permettre aux Bédouins de trouver enfin leur place en Israël tout en préservant une identité culturelle et une histoire qui s'écrivent depuis toujours dans le sable du désert...

L'immense majorité des Bédouins d'Israël vit dans le Néguev, région désertique qui constitue 60% de la surface du pays, mais n'abrite que 8% de sa population. Les Bédouins représentent 25% de la population régionale, soit 150 000 personnes ; 80% d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté, selon les données de la Sécurité sociale israélienne.