Se croyant invincible grâce à son puissant arsenal tant chez lui qu'en Syrie où il combat les rebelles, le Hezbollah a été frappé par un attentat dans son fief, fragilisant davantage la situation sécuritaire au Liban, sans gouvernement depuis cinq mois.

L'attentat à la voiture piégée, qui a fait jeudi au moins 22 morts et plus de 300 morts, a visé la banlieue sud de Beyrouth, bastion du parti chiite et véritable forteresse de sécurité. Il s'agit de l'attaque la plus meurtrière en trois décennies dans cette ceinture chiite de la capitale libanaise.

Les mesures draconiennes de sécurité, pourtant renforcées par le Hezbollah, n'ont pas empêché, en l'espace d'un mois, deux voitures piégées d'exploser dans des secteurs densément peuplés.

Ghassan al-Azzi, professeur de sciences politiques à l'Université libanaise, estime que le mouvement chiite subit les conséquences de son engagement, aux côtés des forces de Bachar al-Assad, contre les rebelles en Syrie, majoritairement sunnites.

«Le Hezbollah a commis une erreur stratégique (en participant aux combats en Syrie) et en voici les résultats», estime le politologue.

Un groupuscule portant un nom à connotation sunnite a revendiqué l'attentat de jeudi dans une vidéo, mais celle-ci n'a pas pu être authentifiée. La principale composante de la rébellion, l'Armée syrienne libre, a pour sa part affirmé ne rien à voir avec l'attentat.

«Aujourd'hui, des organisations terroristes ont un alibi pour dire qu'elles ripostent à la participation du Hezbollah à la guerre», commente le politologue.

La télévision du Hezbollah Al-Manar a elle aussi estimé que le parti chiite «paie le prix de sa position» en Syrie.

Le Liban a connu des voitures piégées tout au long de sa guerre civile (1975-1990) et au cours des dernières années, ponctuées des assassinats contre des personnalités libanaises hostiles au régime syrien, notamment l'ex-dirigeant Rafic Hariri.

Mais c'est la première fois depuis le début du conflit dans la Syrie voisine, en mars 2011, que des attentats à la voiture piégée visent un bastion du Hezbollah.

De surcroît, les auteurs de l'attentat ont choisi le quartier Roueiss où Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah et ennemi numéro un d'Israël, avait fait une rarissime apparition publique le 3 août, alors qu'il réside caché par crainte d'une tentative d'assassinat.

L'explosion fait partie d'une série d'incidents meurtriers qui frappent le pays multiconfessionnel depuis le début de la guerre en Syrie.

Le conflit a exacerbé les tensions entre les deux principales communautés musulmanes du pays: les chiites emmenés par le Hezbollah et partisans du pouvoir de Damas, et les sunnites qui soutiennent rebelles de Syrie.

Avec l'implication directe du Hezbollah à la guerre, la politique de neutralité prônée par Beyrouth a en effet volé en éclats.

Ce pays est paralysé depuis cinq mois, après la démission du gouvernement dominé par le Hezbollah en raison des querelles internes.

«Le Liban est plus que jamais vulnérable au niveau de la sécurité, alors qu'il n'y a ni État ni consensus politique», affirme M. Azzi.

Tripoli, la grande ville du nord du pays, a été la première touchée par les violences, avec des affrontements qui ont fait des dizaines de morts entre quartiers sunnites et alaouites, communauté hétérodoxe chiite à laquelle appartient le président Assad.

L'armée de l'air syrienne a en outre bombardé à plusieurs reprises le territoire libanais, arguant que des rebelles s'infiltraient à travers la frontière, théâtre par ailleurs d'une série de tirs de part et d'autre, touchant plusieurs hameaux libanais.

La grande ville du sud du Liban, Saïda, a de même connu un épisode sanglant lié au conflit, lorsque des partisans d'un  cheikh radical sunnite anti-Hezbollah, Ahmad al-Assir, ont tiré sur des soldats, déclenchant des combats ayant entraîné la mort de 17 militaires et la fuite du religieux.

Dernièrement, deux pilotes de la Turkish Airlines ont été kidnappés par un groupe qui réclame à Ankara de faire pression sur les rebelles syriens, qu'elle soutient, pour qu'ils relâchent des pèlerins libanais chiites enlevés il y a un an dans le nord de la Syrie.

«Le pays est entré dans une phase très dangereuse. Nous pouvons entrer dans un tunnel obscur et personne ne peut prédire quand nous en sortirons», indique encore Ghassan al-Azzi.