Le secrétaire d'État américain John Kerry est à Bagdad dimanche pour une visite surprise au cours de laquelle il devait exhorter les dirigeants irakiens à faire montre d'une plus grande coopération avec Washington sur le dossier syrien.

Selon un responsable américain qui voyage avec lui, John Kerry compte également faire part de l'inquiétude de Washington face à la vague de protestations de la minorité sunnite.

Il s'agit du premier déplacement en Irak d'un chef de la diplomatie américaine depuis le voyage d'Hillary Clinton en avril 2009.

Cette visite intervient quelques jours après le dixième anniversaire de l'invasion du pays, conduite par les États-Unis, qui a abouti à la chute du régime de Saddam Hussein, mais n'a pas permis d'ériger la démocratie stable et modèle rêvée par l'ex-président républicain George W. Bush.

L'Irak est quotidiennement endeuillé par des violences perpétrées pour la plupart par les insurgés sunnites, dont Al-Qaïda en Irak, et rongé par l'instabilité politique et la corruption.

John Kerry rencontrait à la mi-journée le premier ministre Nouri al-Maliki à qui il a dit en arrivant «avoir noté que les choses étaient plus calmes que la dernière fois que j'étais là».

«Inch'Allah», lui a répondu M. Maliki, «Que plaise à Dieu».

La dernière visite en Irak de M. Kerry remonte à 2006. L'Irak était alors le théâtre d'un conflit religieux d'une violence inouïe et les troupes américaines étaient la cible des insurgés.

Avec M. Maliki, puis avec le président du Parlement Oussama al-Noujaïfi, le secrétaire d'État compte avant tout exhorter l'Irak à travailler à isoler le régime du président syrien Bachar al-Assad, aux prises avec une rébellion armée.

Pour Washington, Bagdad pourrait notamment apporter sa pierre en cessant de laisser des appareils iraniens chargés en armes destinés à Damas survoler le territoire irakien.

Survols iraniens

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John Kerry «va être très clair avec M. Maliki concernant l'importance que revêt l'arrêt de ces survols iraniens, ou tout du moins les fouilles de chacun de ces vols», a insisté le responsable du département d'État.

«En tant que secrétaire d'État, il est convaincu que (ces vols) transportent des armes et des combattants (...). C'est dangereux pour l'Irak», a-t-il ajouté.

Récemment, un autre haut responsable américain a même accusé l'Irak de «fermer les yeux» sur ces survols.

«Il est probable que M. Maliki demande à participer aux conversations relatives à l'avenir de la Syrie», a souligné le responsable qui accompagne le secrétaire d'État.

Mais, a-t-il fait valoir, «il ne serait pas convenable que l'Irak participe (à ces discussions) tant qu'il permet que des avions iraniens transportant armes et combattants survolent» son territoire.

De son côté, l'Irak a annoncé avoir fouillé par deux fois des appareils iraniens en octobre.

Au chapitre politique, John Kerry devrait appeler à une meilleure intégration de la minorité sunnite irakienne, qui compte pour un quart de la population et dont une bonne partie manifeste depuis fin décembre contre la «marginalisation» dont elle s'estime victime.

La semaine dernière, un diplomate occidental a expliqué que les États-Unis étaient inquiets du «vide que (ces manifestations) créent» et qu'Al-Qaïda pourrait s'engouffrer dans la brèche et en tirer profit.

Mais la visite de M. Kerry est aussi porteuse, pour Washington, d'une symbolique majeure. Depuis le retrait des troupes américaines en décembre 2011, l'influence américaine s'est tassée et les États-Unis craignent que son voisin iranien en ait profité pour avancer ses pions à Bagdad.

L'ancien ambassadeur américain en Irak Ryan Crocker a d'ailleurs plaidé jeudi, lors d'une conférence à Washington, pour que l'administration de Barack Obama s'implique davantage en Irak.

«Nous devons tirer tous les avantages de notre accord de partenariat stratégique pour augmenter notre poids politique (...) afin de montrer à l'Irak qu'il a un partenaire, un allié et d'autres choix que de se tourner vers l'Iran», avait déclaré le diplomate.