L'Irak pansait ses plaies mercredi au lendemain de nouveaux attentats meurtriers, devenus la norme plutôt que l'exception, dix ans jour pour jour après l'invasion du pays par une coalition militaire dirigée par les États-Unis.

Dans la matinée, des sites internet djihadistes se sont fait l'écho de la revendication par Al-Qaïda en Irak de cette nouvelle série d'attaques qui ont visé, comme très souvent, la communauté chiite à Bagdad et dans sa périphérie.

Une vingtaine d'attentats à la voiture piégée, des assassinats ciblés et l'explosion de plusieurs engins improvisés ont tué mardi 56 personnes et en ont blessé plus de 220, selon un bilan établi par l'AFP à partir de données fournies par des sources médicales et sécuritaires.

Les violences ont tué 112 000 civils depuis le début de l'invasion le 20 mars 2003, selon un rapport de l'organisme Iraq Body Count publié dimanche. Et, avertit l'ONG, «leur fin n'est pas en vue».

Mercredi, une nouvelle voiture piégée a explosé à Bagdad faisant deux morts.

Embourbé dans les violences, fragilisé par une instabilité politique chronique, l'Irak commémore le dixième anniversaire de son invasion, prélude à la chute du régime de Saddam Hussein, dans la discrétion la plus absolue.

Le premier ministre chiite Nouri al-Maliki, chahuté par ses partenaires de coalition et la minorité sunnite, n'a pas prévu de marquer l'événement.

Le président américain Barack Obama, à la veille de son déplacement en Israël, a «honoré la mémoire des près de 4500 Américains» morts en Irak, sans évoquer les victimes irakiennes, ni la décision d'envahir le pays, prise par son prédécesseur George W. Bush.

Dans les rues de Bagdad, le désespoir le disputait à l'amertume.

«Nous étions ravis d'être débarrassés de Saddam. Ce qu'ils (la coalition) ont fait là, c'est très positif. Mais ce qui est venu ensuite est une tragédie», s'exclame Raad Mohammed, un photographe de 51 ans, rencontré sur la place Tahrir, en plein centre de Bagdad.

«À l'heure actuelle, nous vivons tragédie sur tragédie. Rien ne s'est fait ces dix dernières années», poursuit-il.

Mais pour Sabah Chawki, originaire du bastion chiite de Sadr City, l'invasion a eu au moins le mérite d'apporter la liberté religieuse à l'Irak.

«Maintenant, je peux prier mon Dieu. À l'époque de Saddam, je ne pouvais que vénérer le Dieu qu'il voulait que je vénère», explique-t-il à l'AFP, tout en énumérant les déficiences du nouvel Irak, entre services publics atones et violences meurtrières.

Au plan politique, l'Irak est loin d'incarner la démocratie exemplaire imaginée par l'administration américaine au déclenchement des hostilités.

M. Maliki est conspué par ses alliés de la coalition gouvernementale et la minorité sunnite, qui enrage de se voir «marginalisée».

Depuis fin décembre, des manifestations réunissent chaque vendredi des dizaines de milliers de personnes dans les régions sunnites. Deux ministres du bloc Iraqiya, laïc mais dominé par les sunnites, ont déjà claqué la porte depuis début février.

Nouveau coup dur pour le premier ministre: mardi, au moment où Bagdad était ensanglanté par de nouveaux attentats, le bloc de l'influent clerc chiite Moqtada Sadr a annoncé que ses cinq ministres suspendaient leur participation au conseil des ministres.