La cinquième journée de l'offensive israélienne contre la bande de Gaza a été la plus meurtrière. Au moins 32 personnes, dont plusieurs femmes et enfants, ont été tuées depuis hier dans des frappes aériennes. Les raids israéliens se poursuivent et ont fait une vingtaine de morts de plus lundi. Arrivée à Gaza, notre journaliste a visité un hôpital où affluaient de nombreux blessés. Un lieu frénétique dans une ville figée par la peur.

Une femme vêtue de noir sanglote dans le hall de l'hôpital Shifa, le plus grand centre médical de la bande de Gaza. Elle s'appelle Sara Abou Khousa. Elle a 65 ans. Son petit-fils, Ziyad, a été tué hier matin, à 8h, quand un drone a laissé tomber une bombe dans la cour de la maison familiale. L'enfant avait tout juste 2 ans.

Des éclats se sont logés dans la tête de Sohaib, le grand frère de Ziyad. Le garçon de 6 ans, inconscient, gît sur une civière aux soins intensifs. Un de ses cousins a été blessé dans le même bombardement.

Une seule frappe, trois gamins. Sara Abou Khousa avait déjà perdu un fils pendant la guerre de 2008. Un de ses petits-fils est resté handicapé depuis cette époque. Elle n'en peut plus de tous ces malheurs.

«Tout ce que je veux, c'est la paix. Qu'on arrête de lancer des roquettes. Qu'Israël arrête de nous bombarder. C'est assez, il faut que ça arrête!», supplie-t-elle, avant de s'effondrer dans les bras d'un de ses fils.

Un chaos bruyant règne à l'hôpital Shifa, où les ambulances qui amènent les derniers blessés en faisant hurler leurs sirènes doivent se frayer un chemin entre une foule de curieux, des proches des victimes et les caméras de télévision. Hier, la journée a été particulièrement dure: près de 30 morts, en majorité des civils.

À l'entrée des urgences, un adolescent nous montre sa blessure: la chair est tranchée à vif sous son coude et le sang s'égoutte sur le plancher. D'autres sirènes annoncent le départ de blessés graves vers l'Égypte.

Cette agitation contraste avec la torpeur dans laquelle est figé le reste de la ville de Gaza, où je suis arrivée hier, après avoir traversé un poste frontière étrangement désert, exception faite d'une trentaine de journalistes étrangers venus couvrir le conflit.

Les rues de Gaza, habituellement cacophoniques, semblent endormies. Les magasins gardent leurs stores baissés. Tous ceux qui peuvent se le permettre se terrent chez eux, pour réduire les risques.

Seules des explosions sporadiques déchirent le silence. Des colonnes de fumée s'élèvent alors dans le ciel. Habitués, les habitants de Gaza bronchent à peine.

Entrée dans sa cinquième journée, l'opération Pilier de défense apporte chaque jour son lot de morts et de blessés à l'hôpital Shifa. Ce n'est pas comme à l'époque de Plomb durci, en 2008, quand les victimes des bombardements pouvaient arriver par centaines, presque en même temps.

N'empêche: en 5 jours, l'offensive a déjà fait 65 morts et 560 blessés. L'hôpital est débordé, et son directeur, Medhat Abbas, se plaint de manquer de tout: analgésiques, ensembles orthopédiques, anticoagulants. Mais on n'en est pas aux scènes dantesques d'il y a quatre ans.

Il faut dire que, depuis, il y a eu le printemps arabe. Dirigée par les Frères musulmans, la «nouvelle» Égypte appuie la bande de Gaza. En plus d'accueillir ses blessés, elle s'apprête à y envoyer des équipes médiales en renfort.

De son côté, Israël a desserré hier l'état de siège sur Gaza en laissant passer des dizaines de camions remplis notamment de matériel médical.

Pour l'instant, l'hôpital Shifa tient le coup. Mais tous appréhendent ce qui arriverait si Israël devait déployer des troupes au sol. «Nous avons appris de l'expérience de 2008, mais la guerre n'est pas encore finie», dit en soupirant Talaat el-Ijla, infirmier au service d'orthopédie de l'hôpital Shifa.

C'est là que j'ai rencontré Hussein Abdelal, 22 ans, au chevet de son père, blessé lors du bombardement d'un poste de police, hier matin.

Toute la famille Abdelal dormait encore quand un policier est venu les prévenir d'une attaque imminente contre les forces de sécurité. Hussein, ses frères, ses soeurs et ses parents se sont précipités dehors. Mais certains sont retournés sur leurs pas pour aller prendre des choses à la maison. C'est alors que le raid a eu lieu. La maison des Abdelal s'est effondrée. La mère de Hussein est morte sous les décombres.

«Quel était notre crime? D'habiter à côté d'un poste de police?» se lamente le jeune homme.

Dans une autre chambre, nous tombons sur Mohamed al-Akhras, photographe pour la télévision Al-Quds.

Il prenait une pause dans les locaux de cette chaîne logée dans une tour qui abrite plusieurs autres médias, quand un raid aérien a frappé le bâtiment, à 1h35, dans la nuit de dimanche. Il a reçu des éclats aux jambes et au visage. Un collègue a dû se faire amputer une jambe.

Mohamed al-Akhras est outré. Il est convaincu que l'armée israélienne a visé la Tour des médias délibérément, pour «mettre un bouclier sur l'information». D'autant plus qu'un autre bâtiment, qui abrite la télé officielle du Hamas, a aussi été touché. Au moins neuf journalistes ont été blessés dans ces deux bombardements. «Nous sommes tous ciblés, ici, et les journalistes encore plus que les autres.»

Comme le reste de cette bande de territoire qui abrite 1,6 million de Palestiniens, l'hôpital Shifa vit dans l'attente. Y aura-t-il une offensive terrestre? Les ultimes efforts de négociation porteront-ils leurs fruits? Sara, la grand-mère désespérée, Talaat, l'infirmier, Hussein, le nouvel orphelin, tous s'accrochent à l'espoir d'une médiation étrangère pour forcer les deux parties à une trêve. Dans le cas contraire, ils craignent de revivre le cauchemar de 2008.