Un attentat-suicide à la voiture piégée a détruit lundi le siège d'une fondation religieuse chiite à Bagdad, faisant au moins 22 morts et ravivant la crainte de nouvelles tensions confessionnelles dans un pays plongé dans une grave crise politique.

Ce bilan est le plus lourd pour un attentat individuel à Bagdad depuis l'explosion d'une voiture piégée le 27 janvier près d'un hôpital, qui avait fait 31 morts.

L'attaque, qui a également fait une soixantaine de blessés, a visé l'administration responsable de la gestion des sites religieux chiites d'Irak vers 11 h (4 h, heure de Montréal) dans le quartier de Bab al-Mouazzam dans le centre de Bagdad.

Le premier ministre chiite Nouri al-Maliki et le président du Parlement, le sunnite Ossama al-Noujaifi, ont condamné l'attentat et appelé au calme.

Le bâtiment a été « totalement détruit », a déclaré à l'AFP le vice-directeur de la fondation, cheikh Sami al-Massoudi, en soulignant que « des martyrs sont ensevelis sous les ruines ».

L'institution visée était en conflit avec son équivalente sunnite au sujet du contrôle du mausolée chiite Al-Askari de Samarra, une ville majoritairement sunnite située à 110 km au nord de Bagdad.

Ce mausolée avait été la cible d'un attentat le 22 février 2006, lequel avait déclenché une guerre confessionnelle entre sunnites et chiites qui a fait des dizaines de milliers de morts dans les années suivantes. Les chiites sont majoritaires en Irak.

L'attaque de lundi « s'est produite après que (la fondation chiite) a procédé à l'enregistrement du mausolée il y a cinq jours, et nous avons reçu beaucoup de menaces. Certains médias ont créé des tensions sur cette affaire », a expliqué cheikh Massoudi.

Cette procédure est « légale et constitutionnelle et nous sommes dans notre droit, car il s'agit d'un site chiite », a-t-il ajouté. « Nous n'accusons personne, mais nous appelons les Irakiens à enterrer cette querelle, car il existe un plan pour lancer une guerre civile » à base confessionnelle.

Un porte-parole de la fondation sunnite, Faris al-Mehdaoui a condamné cette attaque qualifiée de « criminelle, lâche et fanatique », et l'action de ceux qui « veulent ramener le pays aux années de violences ».

Il a indiqué à l'AFP que peu après l'attentat, deux obus s'étaient abattus sur le siège de son institution à Bagdad. Un responsable du ministère de l'Intérieur a indiqué qu'il s'agissait d'une explosion provoquée par une bombe. Il n'y a pas eu de victimes.

Sur les lieux de l'attentat, des dizaines d'ambulances et de secouristes s'activaient pour évacuer et fouiller les décombres, tandis que les proches se rassemblaient à proximité, a constaté un journaliste de l'AFP.

Mohamed, propriétaire d'un restaurant en face du site visé, pleurait, vilipendant la classe politique: « Venez voir les maisons qui ont été détruites sur la tête des enfants ! »

« C'était un 4X4 blanc, il (le kamikaze) allait trop vite et il a heurté la porte de la fondation et a explosé. Tout d'un coup, j'ai vu deux de mes employés morts devant moi », a-t-il ajouté, torse nu et couvert de sang avec des points de suture visibles sur ses blessures.

« Maliki et Allawi se disputent pour diriger le gouvernement et nous sommes les victimes », a-t-il dit en allusion au chef du gouvernement et à son rival Iyad Allawi.

L'Irak est englué depuis six mois dans une grave crise politique opposant M. Maliki à plusieurs dirigeants sunnites et kurdes qui lui reprochent son autoritarisme.

Le ton s'est durci depuis quelques semaines et le chef religieux radical chiite Moqtada Sadr et le bloc laïque Iraqiya, dont fait partie M. Noujaifi,  ont appelé ces derniers jours M. Maliki à démissionner.

Alors que le pays continue de faire face à de graves problèmes de sécurité et de pauvreté, l'action des institutions politiques paraît quasi paralysée depuis décembre.