Une manifestation qui a dégénéré en violences racistes à Tel-Aviv a déclenché jeudi une virulente polémique sur la présence en Israël de quelque 60 000 immigrants clandestins, la plupart Soudanais et Érythréens, entrés illégalement via le Sinaï égyptien.

Mercredi soir, un millier d'Israéliens ont défilé dans le quartier défavorisé de HaTikva, situé dans le sud de Tel-Aviv, aux cris de «Les Soudanais au Soudan» et autres slogans xénophobes, en vilipendant «Les belles âmes gauchistes» qui défendent ces étrangers.

Certains des manifestants ont attaqué et pillé des magasins tenus par des Africains et endommagé plusieurs voitures transportant des immigrés, a précisé à l'AFP le porte-parole de la police, Micky Rosenfeld.

La police a interpellé 20 protestataires et demandé jeudi à la justice de prolonger la garde à vue de 16 d'entre eux, dont 4 mineurs.

Le premier ministre Benyamin Nétanyahou a condamné ces violences, affirmant qu'elles n'avaient «aucune place» en Israël, tout en s'engageant à régler le problème de l'immigration clandestine.

«Je veux dire clairement qu'il n'y a aucune place pour les actions et les déclarations dont nous avons été témoins hier», a dit M. Nétanyahou à Tel-Aviv.

Parallèlement, il a assuré que «le problème des "infiltrés" doit être résolu et nous le résoudrons».

«Nous achèverons la construction du mur d'ici quelques mois et nous commencerons bientôt à renvoyer les immigrés dans leurs pays d'origine», a-t-il promis.

Pour tenter d'endiguer l'afflux de clandestins, le gouvernement israélien a accéléré la construction d'une clôture de 250 km le long de sa frontière avec l'Égypte, très poreuse, car passant en plein désert du Sinaï. L'ouvrage devrait être achevé à la fin de l'année.

Selon le ministère de l'Intérieur, 62 000 immigrés illégaux se sont «infiltrés» depuis 2006 en Israël en provenance surtout du Soudan, du Sud-Soudan et de l'Érythrée.

Incitation à la haine raciale

À Tel-Aviv, les Africains étaient peu nombreux jeudi dans le marché du quartier HaTikva, théâtre des violences de mercredi soir.

«Il y a 70 % de Noirs en moins ce matin», se réjouit A., propriétaire d'une petite boutique de vêtements.

Cet Israélien de 24 ans, qui préfère rester anonyme, explique que l'afflux d'Africains provoque un sentiment d'insécurité chez les habitants les plus âgés du sud de Tel-Aviv. «Ma grand-mère a quitté le quartier après qu'un Africain soit rentré chez elle. Même moi j'ai peur», témoigne-t-il.

«La seule solution est de les renvoyer chez eux», insiste une Israélienne en achetant des tomates à une échoppe voisine. «Nous avons peur de sortir de chez nous. Leur situation pousse ces illégaux à faire des choses terribles».

À la suite d'une récente vague de criminalité impliquant des immigrés, un vif débat s'est engagé sur le nombre des immigrés africains en Israël.

Le ministre de l'Intérieur Elie Yishaï, chef du parti religieux Shass, a déclaré à la radio militaire qu'il fallait «mettre derrière les barreaux» tous les clandestins africains pour «protéger le caractère juif de l'État d'Israël».

Si le gouvernement n'agit pas, a averti M. Yishaï, «ils seront bientôt un demi-million, voire un million».

Une députée du Likoud, le parti de droite du premier ministre Benyamin Nétanyahou, Miri Regev, qui a participé à la manifestation de mercredi, a assimilé les clandestins à «un cancer qui prolifère».

En revanche, Ron Huldaï, le maire de gauche de Tel Aviv-Jaffa, a estimé que «si le gouvernement permet aux immigrés illégaux de s'installer à Tel-Aviv, il faut leur donner les moyens de vivre en leur permettant de travailler».

Yariv Oppenheimer, le dirigeant de l'association anti-discrimination La Paix Maintenant, a demandé au procureur général d'ouvrir des poursuites pour «incitation à la haine raciale» à l'encontre des députés du Likoud présents à la manifestation.

Deux rassemblements antiracistes étaient prévus dans la soirée à Tel-Aviv et Jérusalem.