Des millions de chiites ont commémoré mardi dans la ville sainte de Kerbala le martyre d'Hussein, petit-fils de Mahomet, dans un climat alourdi par une série d'attentats qui a fait plusieurs dizaines de morts lundi en Irak.

L'Achoura, l'une des plus importantes célébrations chiites, commémore la mort de Hussein, troisième imam du chiisme, tué en 680 à Kerbala (110 km au sud de Bagdad) dans des luttes pour la direction après la mort du fondateur de l'islam. Hussein et son demi-frère Abbas ont été tués par les troupes du calife omeyyade Yazid lors d'une bataille dans le désert de Kerbala.

Les célébrations, qui avaient commencé il y a dix jours, se sont achevées mardi en début d'après-midi avec une reconstitution par des acteurs de la fin de la bataille, lors de laquelle les soldats de Yazid mettent symboliquement le feu à la «tente de Hussein» érigée près du mausolée où repose son corps.

Comme chaque année, des milliers de fidèles vêtus de noir et réunis en processions dans une immense ferveur religieuse se sont frappé la poitrine en cadence ou flagellé le dos à l'aide de chaînes. Certains se sont entaillé le front avec des épées, laissant couler le sang sur leurs vêtements.

Les drapeaux rouges flottant habituellement sur le site ont été échangés mardi contre des drapeaux noirs en signe de deuil.

«Le nombre de visiteurs venus à Kerbala pour commémorer l'Achoura a atteint environ 3 millions de personnes», a déclaré à l'AFP le gouverneur de la province, Amal Eddine al-Her. L'année dernière, leur nombre avait été estimé à environ 2 millions.

Les chiites représentent 15% des musulmans dans le monde et sont majoritaires en Irak.

Pour la deuxième année consécutive, la sécurité était assurée par les forces de l'ordre irakiennes. Les années précédentes, les soldats américains n'étaient déjà plus sur le terrain pour l'Achoura, mais en assuraient la surveillance aérienne.

Selon le général Othman al-Ghanimi, du centre du commandement des opérations responsable de la région de Kerbala, 28 000 policiers et militaires ont été déployés pour assurer la sécurité de l'événement, pour lequel ils ont aussi utilisé des hélicoptères.

Mais ce dispositif ne concerne que Kerbala et sa région, et des pèlerins chiites réunis dans d'autres villes ont été visés.

Lundi, une série d'attentats à la bombe dans les villes de Bagdad, Hilla et Latifiya a fait au moins 29 morts et près de 80 blessés. Le représentant de l'ONU en Irak, Martin Kobler, a condamné des «attentats horribles» dans un communiqué.

Selon une source policière, deux obus de mortiers se sont par ailleurs abattus mardi matin sur une mosquée chiite de Kirkouk (nord), tuant un policier et blessant huit autres personnes.

L'Achoura est considérée comme un événement fondateur du chiisme et à ce titre ses célébrations ont souvent donné lieu à des attaques de la part de militants extrémistes sunnites en Irak.

En mars 2004, des attentats quasi-simultanés avaient fait 170 morts et 465 blessés dans une mosquée chiite de Bagdad et à Kerbala.

Cette année, un attentat a également frappé une procession de l'Achoura à Kaboul en Afghanistan, tuant au moins 55 personnes.

Après l'invasion américaine de 2003, l'Irak a connu des années d'intenses violences interconfessionnelles qui ont fait des milliers de morts. La violence a diminué depuis, mais les attaques restent fréquentes. L'inquiétude sur la stabilité et la sécurité à venir du pays est alimentée par le départ imminent des forces américaines, actuellement dans sa dernière phase.