Dans le sud afghan, une récente vague d'assassinats de proches et relais du président Hamid Karzaï ne cesse d'inquiéter les responsables de cette région stratégique, qui craignent pour leur sécurité et celle de leur famille.

Le sud de l'Afghanistan, berceau des talibans, est traditionnellement l'une des régions les plus violentes du conflit afghan, vieux de bientôt 10 ans. Mais ces récents assassinats ont montré qu'aucune personnalité n'était à l'abri.

Parmi les victimes, le propre demi-frère du chef de l'État, Ahmad Wali Karzaï (AWK), l'homme fort de la province de Kandahar, tué le 12 juillet, et Jan Mohammad Khan, ex-gouverneur de la province voisine d'Oruzgan, proche ami et conseiller du président, assassiné le 17 juillet à Kaboul.

Quelques jours plus tard, le maire de Kandahar, Ghulam Haidar Hameedi, ami d'enfance de la fratrie Karzaï, était à son tour tué par un kamikaze dans la capitale provinciale.

Les mobiles et commanditaires de ces meurtres, bien que revendiqués par les talibans, restent peu clairs, mais les mesures de sécurité ont d'ores et déjà été resserrées dans Kandahar.

De nouveaux scanners ont été installés au quartier général de la police et dans les bureaux du gouverneur, et d'autres sont censés l'être dans plusieurs sites sensibles, a expliqué à l'AFP le chef de la police pour la province, le général Abdul Razaq, dont le prédécesseur a été assassiné en avril par un de ses propres gardes du corps à l'intérieur même du siège de la police.

«Nous avons également chargé des policières de fouiller les femmes en burqa, parce que les talibans ont récemment utilisé certaines d'entre elles pour mener des attaques», explique-t-il.

Reste qu'à l'heure où l'Otan entame le retrait progressif de ses troupes de combats d'Afghanistan, peu d'Afghans pensent les forces afghanes à même de prendre le relais à l'échéance prévue de fin 2014.

«Depuis l'assassinat d'AWK et d'autres responsables, je crains pour ma vie», explique Noor ul Aziz, un ancien responsable taliban qui a rejoint les rangs du gouvernement afghan et dirige désormais le service des Affaires religieuses de la province de Kandahar.

«Je ne peux plus faire confiance aux forces de sécurité. J'envisage d'envoyer ma famille à Kaboul et me suis tourné vers mes proches, frères et cousins, pour qu'ils assurent ma protection», explique-t-il.

Dans les faubourgs de Kandahar, le gouverneur du district extrêmement instable d'Arghandab, tout en avouant être inquiet pour lui et sa famille, affiche une témérité toute fataliste. «C'est à Dieu de décider s'il veut que nous vivions ou mourrions», explique Haji Shah Mohammad, qui refuse jusqu'ici de quitter la région.

L'armée américaine est consciente des risques encourrus par les principaux relais du pouvoir afghan et de ses interlocuteurs privilégiés dans la région.

À Arghandab, elle avoue avoir fait de la protection de M. Mohammad et du chef de la police du district une de ses priorités.

«Si nous les perdons maintenant, ce sera un énorme revers. S'ils demandent plus de sécurité, on leur donnera. On leur donnera tout ce qu'ils veulent», assure le lieutenant-colonel Michael Simmering, qui commande le bataillon américain déployée dans la zone.

Les assassinats ciblés de personnalités ne doivent toutefois pas faire oublier le sort des civils, premières victimes du conflit, victimes notamment des bombes artisanales placées sur les routes.

«Les civils, particulièrement à Kandahar ont été soumis ces deux dernières années à un impensable niveau de violence», explique Erica Gasont, chercheuse de la Fondation américaine Open Society. Selon elle, «rien dans la situation actuelle ne permet de penser à une stabilité à court terme», d'autant que la «campagne à grande échelle d'assassinats et d'intimidation ne s'est pas limitée aux personnalités politique de haut niveau».