Elles seront voilées, elles auront sur leur voiture le drapeau de l'Arabie Saoudite et, bien en vue, une photo du roi, histoire de s'afficher en bonnes patriotes. Les Saoudiennes braveront aujourd'hui l'interdiction qui leur est faite de conduire une voiture, une initiative largement diffusée dans les médias sociaux et suivie un peu partout dans le monde.

L'Arabie Saoudite est le seul pays à interdire aux femmes de se trouver derrière un volant. Et elles en ont assez. Elles ont lancé une campagne Facebook, baptisée Women2drive, et jurent qu'elles ne lâcheront pas tant qu'un décret royal ne leur aura pas donné raison.

Les visages de cette campagne-choc, ce sont ceux de Najila Hariri et de Manal al-Sharif. En mai, la première, mère de cinq enfants qui a l'appui de toute sa famille, s'est mise à conduire régulièrement dans les rues de Jeddah, sans être arrêtée. Sitôt après, Manal Al-Sharif, informaticienne âgée de 30 ans, a elle aussi pris le volant, s'est fait filmer et a diffusé la vidéo sur YouTube. Cela lui a valu d'être détenue pendant deux semaines. Encore la semaine dernière, cinq autres Saoudiennes ont été arrêtées.

Une pétition en ligne a récolté plus de 70 000 noms dans 156 pays. Une lettre ouverte adressée à Hillary Clinton a été signée par plus de 10 000 Saoudiens. On demande à la secrétaire d'État d'appuyer ces femmes qui ne peuvent pas non plus voter ni voyager sans être accompagnées d'un tuteur.

Tous ces regards posés sur elles les protégeront-ils aujourd'hui, dans leur grande journée de protestation? Elles sont loin d'en être sûres.

»Une convention sociale»

Une militante saoudienne donne dans son blogue pas moins de 12 consignes aux femmes qui prendront la route. Parmi ces consignes, celle de «réaffirmer leur nationalisme» en portant le voile et en ayant avec elles le drapeau saoudien et la photo du roi. On invite aussi ces femmes à ne pas conduire seules, mais à avoir un homme à leurs côtés.

«Les femmes ont le droit de conduire, rappelle Najila Hariri. Aucune loi ne le leur interdit; simplement une convention sociale.»

Non seulement les Saoudiennes trouvent-elles discriminatoire et embêtant de toujours devoir attendre après un homme pour les conduire ici et là, mais elles estiment au surplus que cela les expose à des risques inutiles. D'ailleurs, au début du mois, le quotidien saoudien Okaz a fait état du cas d'une femme qui a été violée par son chauffeur, lequel était armé.

Et, contrairement aux idées reçues, toutes les Saoudiennes ne sont pas riches à craquer et ne peuvent pas nécessairement se payer des courses en taxi. En Arabie Saoudite, le taux de chômage officiel - qui ne se rapporte qu'aux hommes et qui serait nettement sous-estimé - serait de 10,9%.