Douze civils afghans sont morts dimanche dans les tirs de deux roquettes, qui ont manqué leur cible au deuxième jour de la plus ambitieuse opération lancée par les soldats de l'OTAN aux côtés des forces afghanes pour desserrer l'emprise de l'insurrection sur le sud du pays.

Ce drame est intervenu au lendemain de l'appel lancé par le président Hamid Karzaï, qui avait exhorté samedi les commandants des forces afghanes et étrangères à faire preuve d'une prudence absolue» concernant la sécurité des civils.

«Nous regrettons profondément ces pertes tragiques», a déclaré le général Stanley McChrystal, commandant de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) de l'OTAN en Afghanistan. «L'opération actuelle dans le centre (de la province) d'Helmand vise à rétablir la sécurité et la stabilité dans cette région vitale de l'Afghanistan», a-t-il ajouté, jugeant «regrettable» la perte de «vies innocentes» dans «le cadre de nos efforts conjoints».

Selon l'OTAN, deux roquettes lancées depuis un système d'artillerie à haute mobilité devaient atteindre des insurgés qui faisaient feu sur des soldats afghans et des forces alliées, mais ont explosé à environ 300m de la cible visée dans le district de Nad Ali. Les roquettes ont frappé une maison, tuant 12 civils, a rapporté l'Alliance atlantique.

Le général McChrystal a souligné qu'il avait présenté des excuses au président Karzaï et suspendu l'utilisation de la technologie employée pour les tirs de roquettes jusqu'à un examen approfondi des faits.

Hamid Karzaï a ordonné l'ouverture d'une enquête sur l'origine des tirs.

15 000 soldats dans l'offensive

Lancée samedi, l'offensive baptisée «Moshtarak» (ensemble) est la plus grande opération conjointe lancée depuis l'intervention des forces étrangères en 2001. Elle s'appuie sur la participation de 15 000 soldats, dont 7 500 pour la seule localité de Marjah, ville de quelque 80 000 habitants, pivot de la structure logistique et du réseau de trafic d'opium des talibans dans la province d'Helmand.

La majeure partie des militaires de l'OTAN engagés dans l'opération sont américains et britanniques. L'offensive vise à sécuriser la région, établir un gouvernement local et acheminer une aide au développement dans ce qui fait figure de premier test de la nouvelle stratégie de l'OTAN destinée à renverser le cours de huit ans de conflit. La mort des civils porte cependant un coup aux tentatives de l'Alliance atlantique et du gouvernement afghan pour gagner l'adhésion de la population.

Jusqu'à présent, les affrontements ont fait deux morts dans les rangs des forces de la coalition, un Américain et un Britannique. Des responsables afghans ont précisé qu'au moins 27 insurgés avaient été tués dans l'opération.

Selon le général Larry Nicholson, un commandant des Marines dans le sud du pays, la reprise totale de Marjah pourrait prendre des semaines. «Cela ne signifie pas nécessairement une intense bataille», mais «il faudra 30 jours» pour dégager le terrain, a-t-il dit. Entre 400 et 1 000 insurgés -dont plus de 100 combattants étrangers- seraient retranchés à Marjah.

Dimanche, les milliers de soldats américains et afghans engagés dans l'opération rencontraient des poches de résistance, qualifiée de «légère à modérée» par le capitaine Abraham Sipe, porte-parole des Marines.

À Marjah, point central de l'offensive, les Marines et les soldats afghans étaient confrontés aux tireurs embusqués, sur fond de tempête de sable, qui réduisait la visibilité. Ils tentaient de progresser dans la ville, fouillant les maisons à la recherche d'explosifs. Mais des tirs les contraignaient à s'abriter. Au nord, des soldats américains étaient engagés dans des affrontements avec les talibans.

Selon un communiqué de la coalition, les forces de l'OTAN ont saisi 250 kilos de nitrate d'ammonium et d'autres matériels entrant dans la fabrication d'une bombe à Marjah. Elles ont également découvert une cache d'armes à Nad Ali.

Les Nations unies estiment à quelque 900 le nombre de familles ayant fui la région de Marjah et prétendant à une assistance d'urgence à Lashkar Gah, capitale de la province d'Helmand, à une trentaine de kilomètres de la localité.

Au moins deux chouras, réunions de conseil, ont déjà eu lieu avec des habitants, l'une à Nad Ali, l'autre à Marjah, a précisé l'OTAN. Les discussions ont été «bonnes» et d'autres sont programmées dans les prochains jours dans le cadre d'une stratégie visant à obtenir l'appui de la population à l'offensive de l'OTAN, selon l'Alliance atlantique.