Le recomptage de centaines de milliers de bulletins litigieux de l'élection présidentielle du 20 août en Afghanistan prendrait six semaines et, s'il fallait un second tour, il serait impossible de l'organiser avant le printemps, a assuré un responsable électoral.

La Commission électorale indépendante (IEC), chargée de compter les voix et proclamer les résultats, l'a expliqué à la Commission des plaintes électorales (ECC), chargée d'enquêter sur les fraudes et attend sa réponse pour savoir quelles mesures prendre, a expliqué à l'AFP Daoud Ali Najafi, un des adjoints du président de l'IEC.

Cette dernière a livré mardi les résultats préliminaires du scrutin qui a eu lieu il y a un mois, donnant la majorité absolue au président sortant Hamid Karzaï, avec près de 55% des voix. Mais il ne peut être proclamé officiellement réélu qu'au terme des enquêtes et du recomptage des bulletins «suspects» de 2.500 bureaux de vote ordonné par l'ECC.

Si un nombre suffisamment conséquent devaient être invalidés, M. Karzaï pourrait être poussé à un second tour contre son principal adversaire, l'ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah, qui a obtenu moins de 28% des voix selon les résultats préliminaires.

Le recomptage des bulletins litigieux n'a pas encore commencé, contrairement à ce qu'avaient annoncé récemment des responsables de l'IEC, a indiqué M. Najafi, ajoutant à l'extrême confusion qui entoure ce scrutin très controversé.

«Nous avons fait part de nos inquiétudes à l'ECC car le recomptage concerne 34 provinces et cela prendrait au moins un mois et demi», a expliqué M. Najafi.

«C'est trop long et, si nous devions avoir un second tour, alors ce serait trop tard» avant le rude hiver afghan, qui empêcherait les électeurs de se déplacer dans la plupart des campagnes, a-t-il poursuivi.

Le vote serait alors repoussé au printemps.

«Nous attendons toujours que l'ECC nous dise ce que nous devons faire», a conclu M. Najafi.

Personne n'était joignable à l'ECC samedi.

L'enjeu est de taille au moment où les capitales occidentales, embarrassées, haussent très nettement le ton à l'égard de M. Karzaï, installé à la tête du pays fin 2001 par les forces internationales emmenées par les Etats-Unis, qui venaient de chasser les talibans du pouvoir.

Il est la cible de critiques de plus en plus ouvertes de l'administration américaine et d'autres pays engagés militairement au sein de la force de l'Otan, en raison notamment de la corruption qui mine son gouvernement.

Mais les observateurs estiment qu'il n'y a pas d'autre alternative, son principal rival Abdullah Abdullah n'ayant quasiment aucune chance de gagner la sympathie des populations d'une large partie du territoire.

Cet imbroglio politique embarrasse la communauté internationale, partagée entre la nécessité d'avoir à traiter avec un futur président bien élu et légitime --donc par le biais d'un second tour-- et les difficultés à l'organiser avant l'hiver.

Le temps presse car un report du second tour au printemps dans un pays au gouvernement paralysé pourrait faire le jeu des talibans, qui ont considérablement intensifié leur insurrection et perturbé la présidentielle, qu'ils qualifient d'«imposture orchestrée par les Américains».