Le décès d'une fillette yéménite de 12 ans à la naissance de son bébé illustre le cas de ces nombreuses «fiancées de la mort» mariées de force avant même d'être pubères dans un pays où les traditions tribales font loi, selon une association de protection de l'enfance.

L'Organisation yéménite pour la protection de l'enfance (Siyaj) a annoncé dimanche que la petite Fawzia Abdallah Youssef était décédée vendredi d'une hémorragie dans un hôpital de la province de Hajja (au nord de Sanaa).

La fillette est décédée peu après son arrivée à l'hôpital et l'enfant est mort-né, selon un communiqué de l'organisation.

Fawzia «avait été retirée de l'école et mariée de force à onze ans par sa famille qui vit dans le besoin», a indiqué l'organisation, ajoutant que son père souffrait d'insuffisance rénale.

«Le cas de Fawzia illustre le drame de celles que nous appelons "les fiancées de la mort", des fillettes de moins de 15 ans que l'on marie de force le plus souvent pour des raisons économiques», a déclaré à l'AFP le directeur de Siyaj, Ahmad al-Qourashi.

Il estime à «près de 50% la proportion de fillettes et d'adolescentes mariées avant 15 ans» dans les zones rurales du Yémen.

«Ces mariages sont le résultat de la pauvreté, de l'ignorance et de l'analphabétisme et mènent le plus souvent à détruire la vie de ces jeunes filles dont l'opinion n'est pas prise en compte lors du mariage», ajoute M. Qourashi.

Siyaj a mené, avec d'autres organisations non gouvernementales, un combat incessant pour faire adopter une loi fixant l'âge du mariage légal à au moins 17 ans et imposant des amendes aux pères de famille, qui la transgressent.

«Nos efforts ont abouti à l'adoption de cette loi par le Parlement en février, mais le président (Ali Abdallah Saleh) ne l'a toujours pas promulguée», explique M. Qourashi.

Malgré tout, l'organisation n'hésite pas à intervenir lorsqu'elle est prévenue d'un cas de mariage précoce: récemment elle a ainsi pu empêcher le mariage d'une fillette de dix ans dans la même province de Hajja où est décédée Fawzia.

Le Yémen, un pays de la péninsule arabique considéré parmi les plus pauvres du monde, a une population à structure tribale et le mariage forcé y est largement pratiqué.

L'an dernier, le cas d'une fillette de huit ans, Nojoud Mohammad Ali, qui avait obtenu le divorce, avait mis en lumière la situation de milliers de femmes-enfants mariées de force.

Nojoud a obtenu le divorce après avoir porté plainte auprès d'un tribunal contre son père qui l'avait forcée à se marier à un homme de 20 ans son aîné.

Pour l'avocate Chaza Nasser qui a défendu la petite Nojoud, «il s'agit d'une véritable tragédie et le gouvernement en est le premier responsable, car le président n'a pas promulgué jusqu'à présent la loi adoptée par le Parlement en février dernier».

Elle estime que le gouvernement «doit mener des campagnes de sensibilisation dans les zones rurales et interdire aux cheikhs de conclure des actes de mariage» dans le cas des jeunes filles n'ayant pas 17 ans.

L'avocate estime également que les autorités ont le devoir de veiller à ce que les filles soient scolarisées, dans un pays où le taux d'illettrisme est estimé à 33,4% chez les hommes et atteindrait 76% chez les femmes.

Depuis qu'elle a pris la défense de Nojoud, l'avocate a été contactée par d'autres fillettes encouragées par ce précédent et a aidé une petite fille âgée de dix ans, Arwa, à obtenir le divorce.

Le cas le plus récent dont elle s'occupe concerne une adolescente mariée à l'âge de deux ans par son père qui avait besoin d'argent, et qui a été «autorisée» à demeurer chez ses parents jusqu'à l'âge de 13 ans.