Après avoir menacé de lui faire la vie dure, le Parlement iranien a fini par faire une fleur au président Mahmoud Ahmadinejad en acceptant 18 de ses nominations au cabinet des ministres. Seuls trois candidats ont été recalés, dont deux femmes. Une troisième a réussi à passer le test, écrivant du coup une nouvelle page de l'histoire de la République islamique.

Avec son tchador noir qui la recouvre de la tête aux pieds, ne laissant paraître que son visage rond, Marzieh Vahid Dastjerdi a bien peu à voir avec les jeunes Iraniennes qui ont défilé dans les rues de Téhéran au cours des derniers mois. Pourtant, à sa manière, la politicienne iranienne vient de réussir une petite révolution au nom des femmes. Hier, avec l'approbation des députés du Majlis, le Parlement iranien, elle est devenue la première femme à porter le titre de ministre depuis l'établissement de la République islamiste, en 1979. Gynécologue de formation, elle prendra les rênes de l'immense ministère de la Santé.

Sous la présidence du réformiste Mohammad Khatami, une femme avait assumé la vice-présidence, mais depuis l'arrivée au pouvoir en 2005 de Mahmoud Ahmadinejad, réputé ultra-conservateur, la gent féminine avait de nouveau été éclipsée des hautes sphères du pouvoir.

D'abord proposée par Mahmoud Ahmadinejad lui-même, la nomination de Mme Dastjerdi n'est cependant pas passée comme une lettre à la poste. Des religieux conservateurs ont soulevé des doutes sur la capacité d'une femme d'occuper un poste aussi élevé dans l'appareil étatique.

Au lieu de les prendre à rebrousse-poil, Mme Dastjerdi a utilisé une autre tactique. En public, elle a promis aux religieux de tenir compte de leurs «directives».

Pas une première

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que cette politicienne, deux fois élue députée, obtempère avec les éléments les plus conservateurs du régime islamique. Elle-même fondatrice de l'Association islamiste des médecins, elle a longtemps tenté d'obtenir la ségrégation des sexes dans le système de santé. Selon le projet qu'elle défendait, les hommes médecins se seraient occupés seulement des hommes et les femmes, des femmes. Le projet a échoué après qu'il eut été prouvé qu'il n'y avait pas assez de femmes spécialistes.

Au cours des derniers jours, l'aspirante ministre semble cependant avoir considérablement modifié son discours. «Quand ils travaillent côte à côte, les hommes et les femmes peuvent faire des miracles», a-t-elle dit devant le Majlis, en plaidant la nécessité de nommer des femmes au sein de l'exécutif.

Ayant fréquenté les universités de la République islamique - elle a fait sa médecine à l'Université de Téhéran avant d'y enseigner -, Marzieh Vahid Dastjerdi est l'incarnation même de la plus importante avancée que les femmes ont faite depuis l'avènement du régime des ayatollahs: elles sont maintenant 27 fois plus nombreuses à obtenir des diplômes universitaires que pendant l'ère du shah.

Cette avancée a cependant été accompagnée d'importants reculs. L'établissement de la charia comme loi du pays désavantage les femmes en matière de divorce, de garde d'enfants et d'héritage. En cour, un témoignage féminin vaut la moitié de celui d'un homme. Le régime islamique a aussi imposé le port du hijab en public et rend difficile la fréquentation entre les sexes en dehors du cercle familial.

En prononçant un discours devant le Majlis, Mme Dastjerdi a promis de représenter la voix des femmes au cabinet des ministres. Mais les Iraniennes savent déjà que cette voix a bien peu de chances d'être dissonante aux oreilles des ayatollahs.

PAS PEUR DES SANCTIONS

Après de dures semaines qui ont mis à l'épreuve sa légitimité, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad semble de nouveau se sentir au sommet de sa forme. Hier, alors que les membres permanents du Conseil de sécurité et l'Allemagne proposaient d'imposer de nouvelles sanctions à l'Iran dans le dossier du nucléaire, le président iranien s'est moqué de leurs menaces. «Plus personne ne peut imposer des sanctions à l'Iran. Ils peuvent toujours nous imposer des sanctions!» a-t-il dit sur un ton ironique. AFP