Sans projet de réconciliation nationale en Irak, il n'y aura pas de sécurité, estime l'ancien envoyé spécial de la Ligue arabe dans ce pays, Mokhtar Lamani. Dans une entrevue à La Presse, ce chercheur au Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale de Waterloo en Ontario s'est dit déçu à la fois des politiciens irakiens au pouvoir et de l'administration américaine de Barack Obama.

Q Qu'est-ce que ces attentats meurtriers nous révèlent sur la situation actuelle en Irak, alors que l'armée américaine vient de se retirer des villes du pays?

 

R Il y a trois questions pour moi inséparables. On ne peut pas traiter l'une sans les autres. La première, c'est la reconstruction. On a tellement parlé des efforts des Américains, qui ont injecté des centaines de milliards de dollars. Mais il ne peut y avoir de reconstruction de l'Irak sans la sécurité. Et il ne peut y avoir de sécurité sans un vrai projet politique de réconciliation nationale qui englobe tous les Irakiens.

Q Pour les autorités irakiennes, la conclusion semble simple. Elles montrent du doigt les «nostalgiques de Saddam Hussein»et les «extrémistes d'Al-Qaeda», qu'elles jugent responsables des attentats.

R Ils sont un peu comme des boucs émissaires. Je n'excuse pas Al-Qaeda et les nostalgiques de Saddam Hussein. Mais je ne pense pas qu'Al-Qaeda ait les moyens de faire ce genre de choses. Surtout ce qui s'est passé aujourd'hui. C'est tellement bien coordonné, tellement bien fait...

Q Pourquoi la réconciliation nationale tarde-t-elle tant? Qui n'a pas intérêt à ce qu'elle se fasse?

R L'une des premières conditions de la réconciliation nationale est que les seigneurs de guerre doivent être fatigués de s'entretuer, ce qui ne semble pas être le cas en Irak. J'ai écrit un article en arabe sur la réconciliation nationale. Tout le monde m'a dit qu'il était très bon. Mais aucun groupe irakien ne l'a diffusé sur son site web. Les chiites, les sunnites, ceux qui sont à l'intérieur du processus politique, ceux qui sont à l'extérieur... Eux-mêmes ne sont pas fatigués de s'entretuer. Je n'écarte pas la possibilité que les gens qui sont au pouvoir soient à la source de beaucoup de problèmes et d'assassinats. La lutte pour le pouvoir est sans merci.

Q Washington souhaite toujours officiellement retirer ses troupes du pays en 2011. Est-ce que les plans de Barack Obama pourraient être compromis par la hausse de la violence?

R Les Américains se désengagent de façon choquante. Je suis déçu. J'avais rencontré pendant la campagne des proches d'Obama qui s'occupaient de l'Irak. On en avait beaucoup discuté. Ce que je constate, c'est que les priorités ont changé pour l'administration. Avec la crise financière, l'Irak n'a plus autant d'importance.