Réélu lundi après la validation par la commission électorale du retrait de son adversaire Abdullah Abdullah du second tour de la présidentielle, Hamid Karzaï est un ancien protégé de l'Occident, tombé en disgrâce en raison d'un bilan très controversé, à la légitimité en question.

Porté au pouvoir par les puissances occidentales fin 2001, après la chute des talibans, Hamid Karzaï a été contraint par celles-ci d'accepter un second tour à la présidentielle, après la révélation de fraudes massives en sa faveur, entraînant l'annulation de près d'un quart des bulletins de vote.

Mais, même avant l'avalanche de critiques nées du scrutin du 20 août, ses soutiens dans la communauté internationale donnaient des signes d'impatience, voire de profond agacement face à un gouvernement et des proches de M. Karzaï soupçonnés de corruption.

L'homme au caftan vert et violet et à la toque d'astrakan, réputé pour son élégance et sa politesse, originaire d'une famille de pouvoir, a rejeté les accusations de fraude massive, les jugeant «inventées» et «motivées politiquement».

«S'il y a eu fraude, c'était à petite échelle - cela arrive dans le monde entier», a-t-il déclaré le mois dernier.

Le retrait d'Abdullah Abdullah a notamment été motivé par le refus de Karzaï de remplacer entre les deux tours le chef de la Commission électorale, proche du chef de l'État, et de fermer les bureaux de vote fantômes qui n'avaient pas ouvert le 20 août mais avaient expédié de pleines urnes de votes fictifs.

Contrairement à ses adversaires, Karzaï n'a fait que quelques meetings de campagne sous haute protection, tout en menant des négociations en coulisses qui lui ont apporté le soutien de leaders ethniques et religieux et de chefs de guerre influents.

Il a surtout choqué la communauté internationale par son choix comme candidat à la vice-présidence à ses côtés de Mohammad Qasim Fahim, ancien chef de guerre tadjik soupçonné de crimes de guerre et de trafic de drogue.

«Aux États-Unis, durant leur guerre de libération, leur guerre civile et après, beaucoup de gens étaient fêtés en héros. L'Afghanistan aussi a ses héros, comme l'Europe a ses héros», a-t-il répondu.

Mais les conditions calamiteuses du premier scrutin, dont les résultats définitifs n'ont été publiés que deux mois après l'élection et la longue réticence de Hamid Karzaï à accepter sous la pression internationale un second tour, ont encore terni sa réputation.

Sa réélection par défaut, en raison du retrait d'Abdullah Abdullah, qui se fait le champion de la justice, fragilise encore la légitimité de Karzaï.

Pachtoune du clan des Popalzaï, né le 24 décembre 1957 dans le village de Karz, près de Kandahar, la grande ville du sud, berceau des talibans, il a étudié à Kaboul puis en Inde, où il s'est spécialisé en sciences politiques.

Marié à Zenat, médecin à la présence très discrète, il a eu un fils en 2007.

Entre 1982 et 1994, il passe la majeure partie de son temps en exil, au Pakistan notamment.

En 1994, il entretient des liens avec les talibans mais rompt définitivement lorsque son père meurt en 1999 à Quetta (Pakistan) dans un attentat attribué aux étudiants en religion.

Rentré clandestinement en Afghanistan en octobre 2001, ce leader tribal est, après la chute des talibans, désigné président en décembre à la conférence de Bonn, chargée de constituer un gouvernement «intérimaire» protégé par les Occidentaux.

Confirmé en juin 2002 par une Loya Jirga (grand conseil tribal), il remporte fin 2004 la première présidentielle au suffrage universel direct de l'histoire du pays avec 55,4% des suffrages.

Hamid Karzaï a survécu à au moins quatre tentatives d'assassinat, dont la dernière lors d'un défilé militaire en avril 2008 à Kaboul.