Les dirigeants iraniens déploient la répression sur tous les fronts pour venir à bout des protestataires qui dénoncent la fraude électorale du 12 juin et appellent à la tenue d'un nouveau scrutin présidentiel.

Le régime mise sur la propagande, dénonçant l'ingérence de gouvernements étrangers et multipliant les confessions publiques d'opposants «repentis». Mais il joue également la carte de la peur. Des centaines de personnes ont été arrêtées au cours des derniers jours. Et mercredi, la police a réprimé brutalement une nouvelle manifestation à Téhéran.

La machine répressive s'attaque même à des héros nationaux tels qu'Ali Karimi, le plus célèbre des joueurs de soccer en Iran. Jugé coupable d'avoir arboré un bracelet vert, la couleur qui rallie les opposants du président Mahmoud Ahmadinejad, ce dernier a été banni à vie, mercredi, de l'équipe nationale. Trois autres joueurs ont connu le même sort.

Ce geste a surtout une valeur symbolique, étant donné la passion que le président sortant, Mahmoud Ahmadinejad, voue à ce sport. Mais de nombreux autres signaux se sont multipliés au cours des derniers jours, annonçant que le régime n'a aucune intention de tolérer ses opposants.

La machine de répression vise les proches du candidat officiellement défait Mir Hossein Moussavi, mais aussi les militants des droits de l'homme et tous ceux qui ont le malheur de s'approcher des lieux des manifestations.

Plus d'un millier de personnes ont été arrêtées depuis le début de la révolte, selon l'organisme Human Rights Watch. Parmi eux, la majorité des proches collaborateurs de Mir Hossein Moussavi, dont 25 journalistes qui écrivaient pour son quotidien de campagne, désormais fermé.

Ces détenus feront face à l'une des figures les plus terrifiantes du système judiciaire iranien, souligne Human Rights Watch dans une analyse publiée mardi. Le procureur Saeed Mortazavi, qui a été chargé des enquêtes sur plusieurs des personnes arrêtées, a été impliqué, dans le passé, dans de nombreux cas de détention illégale, de faux aveux et de torture.

Un massacre

Devant la menace, le mouvement de protestation s'essouffle, et de nombreux habitants de Téhéran n'osent même plus sortir dans la rue. Mir Hossein Moussavi lui-même n'est pas paru en public depuis plusieurs jours. Mais sa femme, Zahra Rahnavard, qui joue un rôle de premier plan dans l'épreuve de force en cours depuis deux semaines, a appelé mercredi à la poursuite des manifestations. Une cérémonie de deuil pour les victimes des affrontements doit d'ailleurs avoir lieu aujourd'hui.

Dans une déclaration qui ne laisse aucun doute sur sa détermination à écraser la révolte, le guide suprême du pays, l'ayatollah Ali Khamenei, a réitéré mercredi que «le peuple ne céderait jamais sous la pression.»

Des centaines de personnes ont pourtant participé à un rassemblement dans un square près du Parlement, dans la capitale iranienne.

Les médias étrangers ayant été, pour la plupart, chassés de l'Iran, c'est par des témoignages et des images recueillis directement sur leurs sites internet que l'on peut suivre le fil des événements.

«Tout à coup, au moins 500 hommes armés de bâtons ont surgi d'une mosquée et ont commencé à frapper tout le monde», raconte une femme dont le témoignage a été posté mercredi sur le site du Guardian.

«Ils essayaient de battre tout le monde sur le pont, puis de jeter les gens en bas du pont, poursuit-elle. Ils ont battu une femme si sauvagement qu'elle baignait dans son sang, c'était un vrai massacre.»

«Ils nous attendaient, avec leurs fusils et leur équipement antiémeutes, raconte un autre témoin à CNN. C'était comme une souricière, je vois partout des gens avec des bras et des jambes cassés, il y a du sang partout.»

Pour la première fois, mercredi, ce ne sont pas seulement les miliciens pro-Ahmadinejad qui ont attaqué les manifestants, mais aussi les forces des Gardiens de la révolution et la police régulière - faisant fondre l'espoir que les forces de l'ordre penchent en faveur des manifestants.

«Le régime iranien a appris de l'expérience de la révolution de 1979 et fait tout pour empêcher que la vague de protestations s'amplifie», constate Houchang Hassan-Yari, politicologue canadien originaire de l'Iran. Selon lui, à l'époque, le régime du schah avait donné du lest à ses opposants, qui ont fini par le renverser.

Des fissures

Le régime actuel recourt d'autant plus à la méthode dure qu'il est loin de présenter un bloc monolithique. Des fissures internes sont apparues au cours des derniers jours, signale M. Hassan-Yari. Ainsi, Ali Larijani, président du Parlement iranien, a accusé de manière à peine voilé le Conseil des gardiens de la Constitution, chargé d'entériner le résultat des élections, de favoriser le président sortant.

Le grand ayatollah Hossein Ali Montazeri, l'un des architectes de la révolution islamique de 1979, a de son côté appelé à trois jours de deuil en mémoire des victimes des violences.

«Il se passe beaucoup de choses derrière les rideaux du pouvoir, et ces fissures ne vont pas disparaître même si le mouvement de protestation est éteint», prévoit Houchang Hassan-Yari.