Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a demandé dimanche, dans une intervention inédite, que soient garantis les droits de la journaliste irano-américaine Roxana Saberi qui a interjeté appel de sa condamnation à huit ans de prison pour espionnage.

C'est en effet la première fois que M. Ahmadinejad intervient dans une affaire judiciaire depuis son élection en 2005. Il avait cependant mis à profit la détention de marins britanniques en 2007 pour faire montre de magnanimité, ou encore les menaces contre la prix Nobel de la paix Shirin Ebadi en 2008 pour se poser comme son défenseur.

«À l'insistance du président, faites le nécessaire pour assurer la justice et l'exactitude dans l'examen des accusations contre ces personnes», dit une lettre signée par son chef de cabinet, Abdolreza Sheikholeslami, adressée au procureur de Téhéran Saïd Mortazavi.

Mlle Saberi, jugée lundi dernier par le tribunal révolutionnaire de Téhéran, dispose de 20 jours pour faire appel de sa condamnation pour espionnage au profit des États-Unis, annoncée samedi par son avocat.

M. Mortazavi aura un rôle clé à jouer dans la procédure en tant que représentant de l'État.

La demande du président concerne aussi Hossein Derakhshan, un blogueur irano-canadien détenu depuis novembre en Iran, pour injures contre les imams de l'islam chiite.

«Veillez à ce que les prévenus disposent de tous les droits légaux pour se défendre contre les accusations» pesant contre eux, dit encore la lettre, citée par l'agence Irna.

Le père de la journaliste, Reza Saberi, a dit samedi que sa fille lui avait affirmé avoir été «trompée» par les enquêteurs, qui lui auraient demandé de faux aveux devant le tribunal en échange d'une promesse de libération.

Washington s'est dit «profondément déçu» par le verdict, selon la Maison-Blanche.

Née aux États-Unis, Mlle Saberi, réside en Iran depuis 2003. Elle dispose d'un passeport iranien. Les autorités ont dit lui avoir retiré sa carte de presse en 2006.

Elle a été arrêtée à la fin janvier et jugée à huis clos, sans qu'aucun détail ne soit fourni sur les accusations pesant contre elle.

L'annonce de son jugement puis sa condamnation ont coïncidé avec une multiplication d'appels au dialogue des États-Unis envers l'Iran.

Les relations diplomatiques entre les deux pays sont rompues depuis 1980, et le président Barack Obama s'est dit prêt à «tendre la main» à Téhéran.

La République islamique a accueilli favorablement ces déclarations mais sans y donner de suite à ce stade.

M. Ahmadinejad n'intervient d'habitude jamais publiquement dans les affaires de justice.

En avril 2007, il s'était donné le beau rôle en annonçant la grâce et la libération de 15 marins britanniques, en «cadeau» au peuple britannique, près de deux semaines après leur capture par les forces iraniennes.

À leur retour en Grande-Bretagne des marins avaient dit avoir subi des «pressions psychologiques constantes», et pendant leur détention la télévision iranienne avait diffusé les «aveux» de certains d'entre eux selon lesquels ils avaient pénétré dans les eaux iraniennes.

En avril 2008, le président avait ordonné à la police d'assurer la protection de la lauréate du prix Nobel de la paix 2003, Shirin Ebadi, après qu'elle eut reçu des menaces de mort.

Ce geste n'avait pas empêché le Cercle des défenseurs des droits de l'homme, dirigé par Mme Ebadi, de dénoncer le mois suivant les pressions et les condamnations contre les militants ayant une position critique à l'égard du gouvernement de M. Ahmadinejad.