Des parents d’intention et des agences internationales ont cherché des options de rechange à l’Ukraine pour la gestation pour autrui. Mais le tout ne se passe pas sans heurts, dans un secteur où les femmes comme les couples peuvent devenir particulièrement vulnérables à l’exploitation.

« La guerre en Ukraine a mis une pression énorme sur des pays comme la Géorgie et la Grèce pour prendre la place du pays, parce qu’elles ont aussi des lois permettant la gestation pour autrui pour les étrangers, explique Sam Everingham, directeur global de l’organisme australien Growing Families. Ce sont les deux seuls pays d’Europe qui ont ça. »

Des agences internationales, mais aussi des mères porteuses ukrainiennes ou d’autres pays de la région, se sont établies en Géorgie, précise-t-il, menant à une forte augmentation de la gestation pour autrui.

Au point où le gouvernement géorgien a décidé d’y mettre un terme. Un projet de loi vise actuellement à interdire dès le 1er janvier 2024 la gestation pour autrui à des fins commerciales et pour des étrangers.

« Un scandale est un risque à leur réputation », estime Kirsty Horsey, spécialiste de la question et professeure à l’Université de Kent, au Royaume-Uni. Il n’y avait « pas de réglementation » dans le pays, dit-elle, ce qui ouvrait la porte à des abus.

Elle a assisté récemment à un séminaire réunissant différents acteurs du secteur. Et s’est alarmée d’entendre le responsable d’une clinique géorgienne affirmer que, si les femmes volontaires géorgiennes ne suffisaient pas à la demande, il en ferait venir de l’Azerbaïdjan ou de l’Albanie. « Qu’est-ce qu’il veut dire, “en faire venir” ? », s’indigne-t-elle.

De nouvelles destinations semblent émerger en Amérique latine, comme la Colombie, l’Argentine et le Mexique.

Scandales

La gestation pour autrui reste un sujet clivant. Ses détracteurs dénoncent l’exploitation du corps de la femme, soumise à des traitements hormonaux et à une lourde pression. Ses défenseurs mettent de l’avant la liberté de choix de ces mêmes femmes, lorsque leur consentement est éclairé, et la solution apportée aux couples désireux d’avoir des enfants.

Mais les deux camps s’entendent pour dénoncer les pratiques douteuses, voire illégales, de différentes agences et cliniques dans ce secteur au fil des ans. L’Inde, la Thaïlande et le Népal ont interdit la gestation pour autrui pour les couples internationaux après des scandales.

PHOTO LYNSEY ADDARIO, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Une mère porteuse reçoit des soins dans une clinique de BioTexCom, plus grande agence d’Ukraine, en août 2022.

En août dernier, les policiers grecs ont lancé une opération dans une clinique de fertilité, soupçonnée de trafic d’êtres humains. Des femmes vulnérables auraient été forcées de donner des ovules ou de porter des enfants pour des parents d’intention australiens, selon des médias d’Australie.

L’Ukraine n’a pas non plus été épargnée par les scandales. Une récente enquête de Politico et du média allemand WELT a soulevé des doutes sur les pratiques de la plus grande agence du pays, BioTexCom.

Désespérés

« Personne ne se tourne vers la gestation pour autrui pour le plaisir », remarque Mme Horsey, qui a mené une étude sur les parents d’intention britanniques. Les couples, homosexuels comme hétérosexuels, ont un fort désir d’enfant, sont incapables de procréer et ne souhaitent pas adopter, en raison d’obstacles ou par peur de se retrouver avec un enfant troublé. « Et, disons-le, les gens veulent une connexion génétique avec leur enfant, qu’ils soient capables de procréer ou pas », ajoute-t-elle.

Pour M. Everingham, la solution passe par une plus grande ouverture de la gestation pour autrui à l’intérieur des frontières des pays où vivent les parents d’intention, pour éviter les dérapages à l’étranger, dans des endroits où les réglementations sont inadéquates ou difficiles à assurer.

« Les gens deviennent de plus en plus désespérés de créer une famille, ils sont prêts à prendre de grands risques », confie-t-il.